Exhibit B : exposer le malaise

Le contexte : Brett Bailey, artiste sud-africain, présente au théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis Exhibit B, une performance dans laquelle le public circule parmi des tableaux vivants évoquant l’histoire de la colonisation, de l’esclavagisme, de l’apartheid et de la ségrégation raciale. Les acteurs, tous noirs, se tiennent derrière des barreaux, ont des chaînes, sont attachés, etc. Aucun ne parle. Destinée à provoquer le malaise en dénonçant la déshumanisation raciste et en dénonçant « ce que les manuels d’histoire ne dénoncent pas » (dixit un des acteurs), cette exposition a aussi été accusée de véhiculer un message raciste déguisé à Londres, où une opposition musclée a obtenu son interruption prématurée, et à présent en France, où un collectif s’est constitué pour perturber la bonne tenue de l’exposition, bien que celle-ci soit défendue par la Ligue des droits de l’homme ou par l’ancien footballeur Lilian Thuram, bien connu pour son engagement contre le racisme.

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Vendredi, la chanteuse Bams était invitée à l’émission Ce Soir ou Jamais pour défendre la censure devant une exposition qui lui évoque les zoos humains des expositions coloniales.
L’image télévisuelle de son intervention avait de quoi rendre mal à l’aise : une artiste noire assumant vaillamment sa position au milieu d’une assemblée constituée d’intellectuels à la peau claire, forcés, étant donné la situation, de se montrer d’une politesse gênée et donc gênante face à un argumentaire assez vaseux. Car les bonnes raisons d’interdire l’exposition ne sont pas nombreuses : l’intention de l’artiste n’est pas ambiguë, et quant à savoir si le résultat l’est, difficile de dire puisque ceux qui parlent n’ont pas vu l’œuvre. Ils semblent se comporter à la manière de spectateurs de théâtre du middle-west profond dans les albums de Lucky Luke, qui veulent punir celui qui joue le « méchant » de la pièce car ils confondent l’acteur et le rôle, le messager avec le message, et dans le cas de cette exposition, le fait d’évoquer une situation intolérable avec la situation intolérable elle-même.
Avec ce genre d’œuvres à message « choc », bien entendu, il faut marcher sur des œufs : il suffit d’un rien pour que les meilleures intentions de l’artiste ne se retournent contre son propos, parce qu’il sera tombé dans l’esthétisation ou la caricature, parce qu’il sera naïf, parce qu’il aura mal apprécié le contexte dans lequel l’œuvre est montrée, etc. Le fait que l’artiste soit blanc ne doit pas arranger les choses, j’imagine.

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Les arguments de la chanteuse Bams étaient plutôt mauvais. Elle a d’abord rappelé l’existence passée des zoos humains, et il aurait fallu la reprendre sur la simple définition du zoo humain : ici, ce sont des scènes, des « tableaux » vivants, plus proches des musées de cire qu’autre chose, et dont le fait que les mannequins ne soient pas des statues mais de véritables personnes, à la manière des crèches vivantes, qui, quoiqu’immobiles, respirent et regardent le public dans les yeux, fait sans doute partie de la puissance dérangeante de l’œuvre. Je dis « sans doute » puisqu’on ne peut juger de ce genre de ressenti sans l’avoir éprouvé. Un zoo est bien autre chose, l’indignation qu’il provoque vient du fait qu’il y a, d’un côté de la barrière, des êtres libres et de l’autre des êtres enfermés contre leur gré, que le zoo est en soi la preuve d’une inégalité fondamentale. Et bien sûr, puisque les zoos sont d’abord destinés aux animaux, y enfermer des humains exclut ces derniers de l’humanité.

Second argument, le livre Mein Kampf est interdit en France, alors pourquoi n’interdit-on pas cette œuvre « qui n’est pas valorisante pour les noirs » ? Voilà bien un argument étrange à bien des égards, ne serait-ce que parce que Mein Kampf, malgré un débat judiciaire à la fin des années 1970, n’est aucunement proscrit en France, et il était même régulièrement bien placé dans les classements en temps réel de ventes de livres en ligne jusqu’à ce que les boutiques, alertées par leur clientèle, se rendent compte du malaise que pouvait provoquer des annonces automatiques proposant aux lecteurs d’acheter un livre d’Adolf Hitler. Mein Kampf est un livre que l’on peut se procurer légalement, obligatoirement accompagné d’une préface de huit pages qui qui avertit le lecteur de sa nocivité. Sa lecture est assez passionnante, car c’est un livre d’une bêtise abyssale et dont on peine à imaginer qu’il ait eu les effets qu’il a, dit-on1, eu sur les consciences pangermaniques. Je m’étonne qu’on persiste à faire passer ce pamphlet franchement risible pour une sorte de Nécronomicon, de livre magique qui rend immédiatement fou de haine raciste celui qui pose les yeux dessus.
Bien sûr, le propos de Mein Kampf (rédigé par un artiste, tiens !) est raciste, racialiste, puisque c’est en quelque sorte le manifeste du nazisme… Mais alors, quel rapport avec l’exposition, qui n’est pas un programme politique mais entend (adroitement et pertinemment ou pas, c’est une autre question) lutter contre le racisme ?

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Troisième argument, celui du « deux poids deux mesures » : Bams oppose sa demande de censure de l’exposition à la censure dont a fait l’objet son compatriote (sic) camerounais2 l’humoriste Dieudonné. Or si un spectacle de Dieudonné a effectivement été interdit au prétexte fallacieux du trouble à l’ordre public, dans le cadre d’un bras de fer affligeant avec le ministre de l’intérieur de l’époque, et si Dieudonné est effectivement victime de tracasseries fiscales peut-être mal intentionnées mais pas forcément infondées (même les humoristes qui ne sont plus drôles doivent payer leurs impôts) qu’il utilise pour se poser en victime, on ne peut pas dire qu’il soit bâillonné puisque ses one-man show politiques tournent avec succès dans toutes les grandes villes françaises. La seule chose qui aille dans le sens d’une critique sur le ton du « deux poids deux mesures » dans cette comparaison par ailleurs absurde, c’est justement l’émission Ce soir ou jamais : lors du débat entourant les spectacles de Dieudonné, l’appel à la censure était bien représenté sur le plateau, tandis que cette fois, Bams était seule à défendre une telle position.

La réaction négative à l’exposition vient à mon avis d’un sentiment profond d’injustice, et pire, de désespérance. Car l’injustice n’est pas si grave si on pense pouvoir la combattre et progresser, un pas après l’autre. Mais la désespérance, c’est le sentiment que l’injustice ne cessera pas, qu’aucun combat ne peut faire avancer quoi que ce soit, que rien n’est remédiable3, qu’il ne faut plus réclamer le progrès, mais se placer dans une logique d’affrontement entre groupes : les noirs avec les noirs (et que deviennent, alors, les gens qui ont des origines de plusieurs continents ?), les musulmans avec les musulmans, les juifs avec les juifs, etc. Chacun demande le « respect », au sens parfois négatif du terme, c’est à dire non pas le droit d’être considéré, d’être estimé, mais celui d’être pris en compte comme une force adverse, de faire peur, en quelque sorte. Comme dans l’expression « tenir en respect » : on respecte son ennemi, on aime son frère, pas le contraire4.

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C’est ce qu’on appelle le « communautarisme », et qui est, donc, à mon avis, moins un danger futur pour la cohésion de la société française que le symptôme d’un manque de foi dans le progrès commun, qui ne fait que valider que cette société n’en est pas une. Je n’ai pas de mal à imaginer que, si on se sait brimé parce que l’on appartient (de gré ou de force) à un groupe, et que l’on juge que cela ne changera jamais, on finisse par abandonner l’idée d’une amélioration générale pour se resserrer sur ceux qui nous ont été désignés comme nos semblables. Je comprends cette humeur, je comprends que face à l’injustice on se dise : puisqu’on ne vit pas ensemble, puisqu’on n’aura jamais les mêmes droits (non dans la loi mais dans les faits), alors séparons-nous. On ne fait à ce moment là qu’acter une situation implicite. Je comprends tout ça sans peine, mais comment est-ce que cela pourrait se finir bien ? Si l’universalisme est un simulacre, une imposture, ce n’est pas parce qu’il ne peut pas exister, parce qu’il est mauvais en soi, ou parce qu’il a été inventé par des intellectuels européens et américains du XVIIIe siècle, c’est parce que ceux qui s’en targuent et qui le représentent constituent indéniablement un groupe sexuellement, culturellement, financièrement et phénotypiquement homogène5.
Mais le « communautarisme » est aussi une arme puissante pour ceux qui dirigent effectivement le monde : elle permet d’empêcher ceux qui possèdent peu ou qui ne possèdent pas de lever ensemble la tête vers ceux qui profitent de leur condition et des frontières administratives ou mentales qui les séparent. Ici, par indignation pour un pseudo « Zoo humain », les membres du collectif qui réclament l’interdiction de l’exposition s’enferment d’eux-mêmes dans d’autres frontières.

Le monde est certes moche, mais il ne va pas s’améliorer, j’en ai peur, on parvient rarement à transformer un problème en solution à lui-même.

Mise-à-jour : deux articles liés qui donnent des arguments intéressants contre l’exposition : #BoycottHumanZoo I : le racisme s’invite au musée et #BoycottHumanZoo II : à la culture de notre servitude. Si je comprends très bien le propos, je ne peux pas être d’accord avec la remise en cause de la liberté d’expression : le droit à s’exprimer n’est pas l’outil du fascisme, c’est l’outil de la liberté. Voir aussi la position du CRAN, qui n’est pas favorable à une interdiction mais veut débattre : De « Exhibit B » à « Exhibit White »… La position du CRAN.

Mise-à-jour 11/12 : Une tribune publiée dans Libération affirme la légitimité du droit d’expression des artistes autant que celle des spectateurs à répondre aux dits artistes. Je suis content de voir que cette position, qui est aussi la mienne, est à présent co-signée par la chanteuse Bams, citée plus haut, qui n’appelle donc plus à la censure, et il faut s’en féliciter.

  1. J’écris « dit-on », car j’ai l’impression que le nazisme au pouvoir est responsable de la diffusion de Mein Kampf plus que la lecture de Mein Kampf est responsable de la diffusion des idées nazies. En effet, il me semble qu’il fallait être déjà bien atteint par ces idées pour admettre un livre aussi bête. []
  2. Bams est née et a grandi en région parisienne. J’ignore si elle est de nationalité française, mais Dieudonné M’Bala M’Bala, né en France ou il a grandi, d’un père camerounais et d’une mère bretonne, l’est et n’a pas de double nationalité. A priori, si Bams et Dieudonné sont bel et bien compatriotes, ce n’est pas parce qu’ils sont camerounais mais parce qu’ils sont français ! []
  3. Une fois de plus, je renvoie le lecteur aux travaux d’Henri Laborit : le stress provoque des pathologies s’il ne peut être remédié par soit : une solution ; l’agressivité ; la fuite. []
  4. J’apprends que Bams est co-fondatrice du magazine gratuit Respect Mag, qui entend lutter contre les exclusions et pour l’intérêt général. Quelques extraits de chansons et d’interviews sur la vision des clivages français par Bams : « On est dans un pays ultra communautaire. Le blanc et l’énarque, c’est lui qui pèse, pas la communauté des Noirs soit disant déscolarisés, des Arabes soit disant barbus. L’ascenseur social est en panne et tous ces jeunes qui se tirent à l’étranger, on n’en parle pas » ; « Toute une génération a dit “Touche pas à mon pote” dans les années 80 et ça nous a mis mal à l’aise. Je ne suis pas ton pote. Je suis ton semblable. Ce n’est pas de l’amitié que je demande mais du respect, d’individu à individu ». Je lis dans cette phrase : haïssons-nous, séparons-nous, mais en ménageant nos sensibilités respectives. []
  5. cf. l’article Qu’est-ce que le communautarisme ?, par Crêpe-Georgette. []

17 réflexions sur « Exhibit B : exposer le malaise »

  1. Énidan

    Bonsoir,

    Vous n’êtes pas très objectif pour le deux poids deux mesures sur la liberté d’expression et le fait qu’on peut censurer Dieudonné car il ne vous fait plus rire. Moi si et je ne suis ni raciste, ni antisémite.

    Je trouve que Bams a eu du courage de l’évoquer, car je ne sais pas si vous l’avez remarqué mais il interdit de parler de lui en bien sur un plateau de télé… Si si, regardez bien 🙂

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Énidan : Dieudonné ne me fait plus rire, mais j’ai défendu, ici-même et dans plusieurs articles, son droit à s’exprimer, et je n’ai pas changé d’avis. Que Dieudonné soit devenu un gros mot est exact, mais ça n’en reste pas moins un assez mauvais argument de la part de Bams.

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  2. Énidan

    Ok.

    Pour te dire vrai, je ne partage pas l’avis de Bams sur la censure de cette exposition, mais j’ai compris sa colère sur le 2 poids 2 mesures et aussi le fait que ce soit subventionné avec de l’argent public.

    Pour en revenir à Dieudonné, le fait que ce gouvernement soit passé au dessus des juges pour interdire son spectacle ça restera un problème pour longtemps.

    On en voit déjà les dommages collatéraux.

    La solution, serait que la classe médiatico-politique avouent enfin qu’ils ont eu tort sur cette affaire, mais vu qu’ils sont bornés, ça m’étonnerait qu’il y ait un mea culpa. Non, ils préfèrent bêtement s’enfoncer, et qq. part s’en est presque jubilant tant c’est coquasse comme situation 🙂

    En attendant, ceux qui seront pour censurer ne manqueront pas de les chatouiller à ce propos 😉

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  3. Ggauvain

    Merci pour cet article, que je trouve fort intéressant. Je suis d’accord avec vous pour dire que la prestation de Bams était très mauvaise.

    Sur la question des rapports communautarisme/universalisme, il me semble malgré tout, pour me faire l’avocat du diable (ie des opposant-e-s à Exhibit B), que le fait de militer sur une base clairement communautaire (nous noi-re-s, vous blanc-he-s), est conçu comme un *moment* temporaire en vue de rétablir un véritable universalisme, où noir-e-s et blanc-he-s seront égaux/ales. Le « communautarisme » est perçu comme un moyen détourné d’arriver à un objectif universaliste (en le réalisant déjà en partie, du reste, puisqu’au sein d’une « communauté » noire, par définition, il n’y a plus de hiérarchie raciale). Du point de vue du modèle sous-jacent, c’est un peu comme la « dictature du prolétariat » qui permet d’arriver à une société sans classe, sans domination et démocratique, si vous voulez.

    D’autre part, si l’on veut faire une analyse psychologique des motivations qui ont conduit des gens à demander l’interdiction d’Exhibit B, il me semble qu’il faut se demander dans quelle mesure ce spectacle, plutôt qu’un motif légitime et objectif d’indignation, n’a pas essentiellement constitué un *prétexte*. La puissance d’un groupe dominé se vérifie et se construit dans la lutte ; or pour qu’il y ait lutte, il faut qu’il y ait un ennemi. Et si on n’en a pas sous la main, on peut toujours en inventer un : n’importe quelle oeuvre d’art peut faire l’affaire, même si elle est faite par un artiste anti-raciste ; il suffit de tordre suffisamment les faits dans la pétition qu’on lance au départ, et le tour est joué. Au bout du compte, qu’ils/elles aient raison ou tort, les manifestant-e-s ont montré leur (relative) puissance, ils/elles ont dit : « on ne se laisse pas marcher sur les pieds », ils ont recréé un collectif militant anti-raciste, etc. Même si les fondements de leur lutte sont catégoriquement faux (ce que je crois !), ça n’empêche pas que leur lutte ait eu, objectivement, son utilité. Ce qui n’implique pas qu’il faille la soutenir, du reste, parce que ça pose des problèmes moraux de construire son « empowerment » collectif sur le dos de personnes innocentes dont on bafoue le travail (Brett Bailey, les performeur/euse-s) ou le droit à la critique culturelle personnelle (le public). Mais c’est une donnée à prendre en compte.

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  4. Bams

    Ai enfin un peu plus de temps. Ce débat m’est bien plus important que semble le réduire mes détracteurs, so…

    « Car les bonnes raisons d’interdire l’exposition ne sont pas nombreuses : l’intention de l’artiste n’est pas ambiguë, et quant à savoir si le résultat l’est, difficile de dire puisque ceux qui parlent n’ont pas vu l’œuvre.  »

    L’intention de l’artiste n’est pas ambigüe… Mouais… Effectivement, je n’ai pas vu contrairement à d’autres membres du collectif l’installation. Je n’ai pas pu la voir même les photos, vidéos sur le net me mettent mal et me font souffrir. Vous savez pourquoi… Dans ce miroir où le spectateur est invité à prendre son ticket pour la foire au spectacle de l’humiliation subie par les noirs, ce sont mes parents, mes gds parents que l’on exhibe. Oui exhibe, comme au bon vieux temps, où l’on prenait déjà son ticket et où dans les derniers zoos humains, les exhibés étaient eux aussi payés et nourrit pour votre bonne distraction, très cher. On se baladait d’allée en allée, Bailey propose de tableaux en tableaux et comme dans les expositions coloniales, ni parole, ni présence de l’oppresseur, blanc et adieu résistance noire.
     » mais de véritables personnes, à la manière des crèches vivantes, qui, quoiqu’immobiles, respirent et regardent le public dans les yeux, fait sans doute partie de la puissance dérangeante de l’œuvre. » Oui, je persiste et signe en trouvant cette chose profondément raciste. Reproduire, n’est ni dénoncer, ni critiquer. J’aimerai savoir quel aurait été votre ressenti si la main blanche qui tenait le fouet, la machette qui coupait les mains ou le pied, la personne blanche qui violait nos femmes, si elles avaient été elles aussi exhibées aux côtés des victimes noires, quel aurait été votre ressenti. Je pense que comme nous vous vous seriez sentis essentialisés. Car oui, Bailey essentialise et le blanc et le noir et son  » oeuvre  » ni ne réunit, ni ne rapproche, ni n’apporte la paix et surtout ne montre rien des mécanismes du racisme qui crée cette humiliation. Mais ce projet vous semble louable et honorable, c’est donc là le projet de société qu’il vous importe de défendre ardemment et à coup d’insulte… Pauvre monde, pauvre France.
    Je n’ai pas pu voir et ne verrai jamais exhibit machin chose, je suis par contre allée à la rencontre de l’artiste, l’entendre nous raconter la genèse de sa création. pour faire court, cet artiste blanc, sud africain de 47 ans, venant d’une famille aisée nous explique qu’il a connu les désastres de l’apartheid sur les bancs de la fac. Mouais, même en France , petite déjà, je connaissais Johnny Clegg, lui non. L’apartheid s’est fini il y a 20 ans, il en a 47 et ses 20 premières années, de son prisme de privilégié où les noirs étaient muets, oui, il n’a que ça à pondre et non, sa thérapie ne se fera pas sur le dos de la souffrance que nous ressentons.
    Que les livres d’histoires français commencent par faire leur mise à jour et que l’histoire noire prenne place au lieu des pages blanches qui les incarnent.
    Le contexte français de l’histoire avec les noirs, c’est la France Afrique. Je pourrais m’étendre sur ses détails mais mon message serait bcp bcp trop long. Alors non, dans un contexte national où notre chef d’état va en Afrique dire L’africain n’est pas entré dans l’histoire, où la représentation des noires est possible si elle sert cette propagande en étant continuellement négative, soumise et dégradante, oui nous sommes un certain nombre à ne pas croire à vos postures anti-racistes auto décrétées. Et non je ne pense pas confondre  » le fait d’évoquer une situation intolérable avec la situation intolérable elle-même.  » En 2014, remettre des noirs en cage pour dénoncer le racisme est intolérable et abjecte.
    Comment se projeter en bons citoyens quand on nous projette continuellement des images de nos parents, gds parents soumis, sous hommes, muets ?

    Pour Mein Kampf, oui, on peut se le procurer mais il faut en faire l’effort. Entrer dans une librairie, il y en a deux en France où il est dispo, dans les autres il faudra le commander. Vous savez pourquoi, parce que d’un commun accord, les libraires s’entendent sur l’ignominie de ce livre et font tt pour le rendre difficile d’accès et j’en suis fort heureuse. Quel rapport avec l’installation ? J’en parlais car on me parlait de liberté d’expression, alors on parle de la liberté d’expression de qui ? De Quelle communauté ? Oui, j’aurai aimé vivre dans une sté qui unanimement comme elle le fait autour de Mein Kampf trouve  » l’oeuvre  » de Bailey blessante, insultante et méprisante car je le redis penser conter l’esclavagisme, le colonialisme sans en montrer l’oppresseur est du grand n’importe quoi. Mais tellement rassurant pour vous, rassurant et cela permet aux personnes de votre communauté le fameux  » plus jamais ça « … Aux dépend de notre souffrance.

    Pour Dieudonné, pour qu’il ait pu continuer à jouer son spectacle, il a du le modifier. Peut être que si Bailey comme les programmateurs avaient accepter de nous rencontrer, nous écouter peut être auraient il pu percevoir ce qui nous blesse tant dans son exhibit machin chose. Et cette mauvaise foi qui aura été la seule vraie maîtresse de ce débat exhibit b, l’a été aux plus hautes instances. Hidalgo n’a eu aucun mal à défendre bec et ongle, le liberté d’expression , la licra, la ldh, differents organismes du spectacle qui n’avaient pourtant aucun souci à demander l’interdiction de Dieudonné.

     » lors du débat entourant les spectacles de Dieudonné, l’appel à la censure était bien représenté sur le plateau, tandis que cette fois, Bams était seule à défendre une telle position.  » Et… que voulait vous dire par ce soit disant argument. demander vous plutôt pourquoi, j’étais seule. Qui censure – qui ?

     » se placer dans une logique d’affrontement entre groupes « . ça vous arrange de penser que les « contre exhibit  » étaient ts noirs. Comme les manifestants Fergusson seraient ts noirs. L’universalisme du 21 ème siècle voyez vous à évolué et ne sera porté que par des individus capables de se déplacer de leur seule condition pour entrevoir une données sociale – raciale – économique.
    La liberté, les droits, le respect etc, s’arrache cher ami dans nulle cause ils n’ont jamais été donné. Ils s’arrachent et c’est pour cela qu’on parle de lutte et pas de débat blabla, ils s’arrachent aux dominants, privilégiés et bien accrochés à leurs privilèges qui sont aux dépends des dominés.

     » Ici, par indignation pour un pseudo « Zoo humain », les membres du collectif qui réclament l’interdiction de l’exposition s’enferment d’eux-mêmes dans d’autres frontières.  » un pseudo zoo humain… Je le redis exhiber l’être humain noir comme blanc est pour moi une atteinte à la dignité humaine et ce même sous couvert de mission soit disant anti raciste. Nous demandions la déprogrammation, il y a deux mots dans le dictionnaire, je ne pense pas que ce soit pour rien, déprogrammation car nous demandions un débat public en amont des représentation dont l’objet aurait été l’annulation et j’aurai été ravie de vous avoir en détracteur, vous autres les liberté d’expression… Blanche… dans le béniouioui monde de la Déclaration des Droits de l’homme dont vous êtes si fiers, car voyez vous, je suis bien française de naissance et de double culture car camerounaise d’origine et oui cette longue phrase constitue une partie de mon identité, et ma part noire voyez vous me fait maudire cette déclaration des droits de l’homme, écrite en pleine période de l’esclavage. Elle ne m’a jamais prise en compte.

    2015, sera autre, croyez moi et nous ne sommes pas nos parents et ne nous laisserons pas spolier de notre identité plurielle, de notre dignité et ne nous contenterons pas de vos représentations que seuls les euros descendants orchestrent. Ils veulent bien parler de nous mais seulement si c’est eux qui disent quoi, comment et où ? Le noir à Papa, c’est fini cher ami. Mandela disait déjà ‘ Ce qui est fait pour nous, sans nous est fait contre nous  »

    2015… On va maintenant  » carner  » cette phrase.

    Pour finir un peu de lecture, car se déplacer, depuis que je suis enfant pour goûter aux émotions artistiques je n’ai jamais eu le choix les héros des films, livres, des opéras, des pièces sont tjs blancs et pourtant je l’ai fait. Aujourd’hui il est temps que chacun bouge de son trône de donneur de leçon sinon, oui effectivement tout cela sera fratricide.
    https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1165

    Bams…….. artiste indépendante auto produite !
    ps: sorry par avance pour les fautes, ai la flemme de me relire.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Bams : je n’ai pas vu l’œuvre non plus et peut-être est-elle ratée, putassière, facile, grand-guignolesque, je n’en sais rien, mais il me semble qu’elle s’inscrit plus dans la tradition de l’art-performance que dans celle du zoo humain, même si les performances artistiques qui fonctionnent le mieux engagent souvent physiquement l’artiste lui-même (cf. Marina Abramovic, récemment, avec The Artist is present, où l’artiste est restée pendant la durée de l’exposition sept heures par jour, immobile, sans manger ni boire, ni réagir au public), ou Joseph Beuys avec I like America and America likes Me, où l’artiste est allé aux États-Unis sans poser un pied sur le sol du pays et sans quitter une cage qu’il a partagé avec un coyote.
      En reprenant ces exemples, je vois bien la différence : l’artiste Bailey ne se mouille pas personnellement. Reste que son propos, maladroit, condescendant, ou pas, n’a strictement rien à voir avec celui des organisateurs de zoos humains. Que cela vous renvoie cette image, je veux bien, mais on ne peut quand même pas confondre les intentions.

      Reproduire, n’est ni dénoncer, ni critiquer. J’aimerai savoir quel aurait été votre ressenti si la main blanche qui tenait le fouet, la machette qui coupait les mains ou le pied, la personne blanche qui violait nos femmes, si elles avaient été elles aussi exhibées aux côtés des victimes noires, quel aurait été votre ressenti.

      Je ne suis pas sûr que ça aurait rendu l’œuvre plus réussie (je dis ça très théoriquement, ne l’ayant, je le répète, pas vue), parce qu’il me semble que l’idée, malhabile ou pas, est au contraire de donner une place aux victimes, de leur donner une dignité en les incarnant. Enfin je ne peux pas imaginer que le projet soit autre, mais je sais bien, en tant que prof en art, qu’il peut y avoir un abîme entre le projet, la réalisation et la manière dont l’œuvre est reçue. Et je pense qu’exposer cette œuvre en France est peut-être une drôle d’idée, parce que la France est dans le déni de son passé colonial, et la prise de position d’un Sud-Africain n’est pas forcément pertinente transposée ici. Les Sud-africains débattent beaucoup de leur passé récent, et on voit ça aussi dans les films de SF de Neil Blonkamp, par exemple, qui expriment un fort sentiment de culpabilité des sud-africains blancs. En France, on en est assez loin, on est d’accord.

      Mais ce projet vous semble louable et honorable, c’est donc là le projet de société qu’il vous importe de défendre ardemment et à coup d’insulte… Pauvre monde, pauvre France.

      Je ne dis pas que c’est louable, tout dépend du résultat, je défends le droit à exister de l’œuvre et, d’instinct, je doute fortement que la comparaison aux zoos humains soit juste, en tout cas dans la volonté de l’artiste. Mais est-ce présent dans son inconscient ? Plus difficile à dire.

      Mais tellement rassurant pour vous, rassurant et cela permet aux personnes de votre communauté le fameux » plus jamais ça « … Aux dépend de notre souffrance

      Il me semble que dans les « tableaux » de l’œuvre, certains ramènent à un passé pas si lointain, donc le « plus jamais ça » n’est peut-être pas l’idée ! Mais je comprends que ça coince sur ce point : effectivement, si une institution accepte de parler de telle ou telle injustice, c’est forcément en laissant penser que les coupables sont loin, dans le temps ou dans l’espace.
      À part ça, je ne peux pas, je ne veux pas me voir comme appartenant à une communauté ! C’est ce dont je parle à la fin de l’article, c’est ce qui m’a vraiment gêné dans l’affaire, je veux vivre dans un monde moderne, où le sexe, l’origine, la couleur de la peau, sont des données accessoires. Je sais que ce monde n’existe pas encore et que la lutte est donc impossible à éviter, mais je trouve ça triste, parce que je ne vois pas où ça peut mener : à quel moment la revendication communautaire ne finit pas par réclamer l’apartheid, justement ? Chacun de son côté et on n’en parle plus ? Je trouverait ça terriblement triste : je suis plus vieux que vous, je suis de la génération Coluche/Balavoine/Actuel/, etc., qui croyait assez naïvement au progrès, qui défilait pour Mandela etc.

      Sur Dieudonné, son antisémitisme assez explicite est dérangeant. Vous imaginez si l’œuvre de Bailey faisait de l’humour sur l’esclavagisme ? La comparaison me semble intenable. Mais notez bien que j’ai, sur ce blog, défendu à plusieurs reprises le droit à Dieudonné de s’exprimer. Donc ne m’associez pas à cette position ! Je suis globalement pour le droit d’expression, car je parie sur l’intelligence des gens, et je pense surtout que si on n’a pas le droit de dire une connerie, alors les gens intelligents n’ont pas la possibilité de répondre à ladite connerie.
      Et ma réflexion sur votre solitude sur le plateau n’était pas un argument, juste une remarque, j’aurais préféré une plus grande diversité de points de vue, car en étant placée ainsi en minorité, vous pouviez difficilement discuter sereinement, et le débat a tourné autour de la question : interdire (appelez ça déprogrammer si vous voulez) ou pas, qui est la mauvaise question (toutes les autres sont légitimes).

      Je sais que tous les manifestants n’étaient pas noirs, à Saint-Denis (ville où j’enseigne, mais je suis à l’autre bout, pas eu le courage de me traîner au théâtre Gérard Philipe) comme à Fergusson, et parmi mes zamisfacebook, je remarque que les plus fermement opposés à l’exposition étaient justement blancs. Mais je ne sais pas si ça contredit la logique d’affrontement qui m’inquiète. Bien entendu, les privilégiés ne font pas de cadeaux, enfin pas trop, ou alors en ayant justement l’impression de faire un cadeau, ce qui est peut-être pire. Mais j’ai longtemps cru au progrès, et je crois aux personnes plus qu’aux groupes, aux individus plus qu’à leurs origines, laissez-moi y croire encore un peu ! Et ce n’est pas parce que la déclaration des droits de l’homme n’a pas été respectée qu’elle est mauvaise, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Bien sûr, le gap entre les principes et les faits est un vrai problème, et je rejoins Gilles Deleuze qui dans cette vidéo défendait plutôt le progrès pas à pas que les grands principes inatteignables : on sait que les pires dictatures signent sans problème la déclaration des droits de l’homme tandis que des pays plus sérieux et plus démocratiques s’y refusent, pour ne pas mentir…
      Mais dire « tous les hommes naissent libres et égaux en droits », je ne vois pas en quoi c’est négatif. Les principes d’une poignée de philosophes universalistes se sont heurtés à la réalité économique de l’esclavagisme, mais ça ne veut pas dire qu’ils avaient tort, les philosophes ! Dans un livre fameux, Pascal Bruckner dénonçait le « sanglot de l’homme blanc », les larmes de crocodiles de l’auto-fustigation post-coloniale… Il avait peut-être raison, mais le résultat, trente ans après, c’est qu’il a pris position pour Sarkozy (même s’il en est un peu revenu), qu’il est anti-écologiste (ça le fatigue de trier le verre et le PVC) et que son copain Finkielkraut (on n’est pas responsable de ses amis, mais peut-être y a-t-il un cheminement intellectuel parallèle) trouve qu’il y a trop de noirs dans l’équipe de France.
      Mais je comprends bien, derrière vos propos, le refus d’écouter ceux qui vous disent « patience, ça va s’arranger », car si on sait ce qu’il y a à arranger, pourquoi ne pas l’arranger tout de suite ? Idem avec le féminisme ou l’écologie.

      Enfin quoi qu’il en soit, merci à vous d’être venue poursuivre le débat ici.

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      1. Bams

        😉

        Et merci pour votre réponse 😉

        Mais une fois encore, il y a des luxe liés à la condition qui ne sont malheureusement pas encore valable pour tous et pour revenir sur cette déclaration des droits de l’homme, je ne dit pas qu’elle est négative, je dit juste qu’elle excluait déjà l’Homme noir et que personnellement, je ne vois pas ce en quoi ça a changé.

        Par contre, je reviendrai à la charge quitte de nouveau, à souiller mon nom comme ça a été fait, si un Brett Bailey devait revenir. Car en 2014, que l’institution culturelle, politique, médiatique ose nous vendre cette oeuvre comme étant anti raciste, c’est juste et du foutage de gueule et d’une mauvaise foi sans nom.
        Perpétuer l’imagerie négative, avilissante, dégradante et humiliante qui entoure l’Homme noir pour soit disant dénoncer le racisme… Heu , comment dire, même un enfant de 12 ans si on lui expliquait que le racisme s’est tjs appuyé sur l’imagerie, façonner l’inconscient collectif autour d’une population par la stigmatisation a tjs été l’outil de la propagande raciste et excluante.

        Et oui, je suis noire et en porte la conscience dans le plus profond de mes cellules. Ai beau être française, mais dans un monde où l’ascenseur social est en panne, où le plafond de verre chapeaute tjs les mêmes profils, il m’est difficile de croire en l’homme plus qu’à un groupe.

        J’ai beau être française, mais comme tout noir aujourd’hui qui peuple le monde, on est soit descendant d’esclave, soit descendant d’un colonisé, soit si il a plus de 50 ans lui même un ancien colonisé… Il serait bon que les politiques, l’institution culturelle française tiennent compte de ce paramètre avant de venir condescamment nous expliquer ce qui est bon pour nous, ce qui est fait en notre nom et ne même pas se remettre en question quand pour pouvoir jouer ce machinXbit, il leur a fallu des centaines de CRS.

        C’est la première fois au monde et dans l’histoire de l’art qu’une oeuvre soit disant anti raciste pour avoir lieu ai eu besoin de CRS, avec des manifestants devant pour la plupart racisés.
        Mais, non, la France et son arrogance et son paternalisme préfère nous expliquer qu’on n’a pas bien compris.

        On est près de 50 000 débiles, si ça rassure tout le monde.

        Il est, selon moi, tellement plus simple de comprendre que rien, rien n’existe et est à 100%, je ne vois pas pourquoi il y aurait ce soit disant contexte de Liberté d’expression qui trônerait au dessus des Hommes et prévaudrait sur tout.
        Mon sens moral, qu’à mon échelle j’applique chaque jour avec mes proches, mes collègues, mes fréquentations est que qd je blesse, je m’arrête.
        ça devrait valoir pour l’art, si l’oeuvre blesse, on arrête… C’est simple.

        Mais vous êtes encore tellement nombreux à vous accrochez à nous expliquer qu’on n’a mal compris. Dans ces manifestants, signataires, il y a des intellectuels, des artistes, des entrepreneurs, des chômeurs, des étudiants, des pères et mères de famille qui ont ts dit  » non, nous ne voulons pas de cette oeuvre, dans ces lieux publics, gratuits pour les moins de quinze ans en partenariat avec des établissement scolaire  »  » Oui, nous nous dresserons contre cette propagande qui n’est plus mission civilisatrice mais anti raciste, non nous ne sommes pas nos parents et nous iront au bout de nos pensées même si nous commençons à 50 contre la nation tte entière  »

        Un jour, qd l’éducation nationale aura fait son travail quand l’histoire noire qui a bâti Hausmann, Versailles, qui alimente energétiquement parlant la France d’aujourd’hui quand cela sera dans les livres, on reviendra sur l’épisode Xhibit et unanimement, on fera tous le parallèle entre les zoos humains et l’oeuvre de Bailey. Il suffit d’ailleurs de reprendre les articles de 2010 – 2011 où Bailey lui même emploi ces mots.  » Zoo Humain « .

        Bonne continuation à vous aussi…

        Bams……….

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          @Bams : je ne mets pas en cause le ressenti négatif ou le malaise que provoque l’œuvre sur ceux qu’elle prétend défendre, ne serait-ce que parce que l’auteur est blanc, et du coup, c’est à côté de la plaque, je ne dis pas le contraire, je n’en sais rien. Mais je trouve étonnant de penser que cet effet était justement ce que recherchaient l’artiste ou les organisateurs de l’exposition. Il me semble juste de séparer l’intention du résultat. Après, c’est peut-être un très mauvais artiste, je ne connais rien à son travail, j’ignorais son existence et celle de l’œuvre avant de tomber sur le débat à Ce soir ou jamais.
          Je comprends très bien l’idée de Mandela que vous citiez, mais quelles sont les limites : Abdelatif Kéchiche a-t-il eu tort de faire son Vénus Noire, lui qui n’est pas noir ? Faut-il jeter les Couleur pourpre et autre Amistad de Spielberg ? Faut-il reprocher à George Lucas d’avoir produit Red Tails ? Il est légitime de pointer du doigt la position du privilégié, mais est-ce qu’il n’y a pas un moment où le message est « mêle-toi de tes affaires » ?

          Je pense que la liberté d’expression doit être sacrée, tant qu’elle ne consiste pas un appel au meurtre ou à la violence. Car quel est le problème ? Le fait que cette œuvre existe vous empêche-t-il d’avoir un regard critique à son sujet ? Manifestement pas ! Et si on interdit l’œuvre, le débat n’aura même pas lieu ! Qui y perd le plus, à votre avis ? La liberté d’expression n’est pas au dessus des hommes ou des lois, elle est encadrée assez clairement.
          On trouve toujours des tas de raisons de la supprimer, mais il faut faire preuve de sang-froid, ce n’est pas parce qu’on est dérangé par ce qu’on entend qu’on doit l’interdire, on doit juste y répondre ! Plein de choses me dérangent, tous les jours – la dérive de Dieudonné, par exemple -, si on devait interdire tout ce qui me gène, personne n’aurait le droit de parler à part moi, à la fin, les religions seraient toutes interdites, etc. Mais est-ce souhaitable ?

          À propos de liberté d’expression, les trois fois où je me suis senti censuré, personnellement, c’était en parlant de traite raciste ! On ne m’a pas dit « on te censure », mais ce que j’ai dit n’est pas passé au montage… C’était une fois sur France 24, une fois sur RFI et une fois sur la chaîne Histoire. En parlant de mon livre sur les mythes de fin du monde, j’ai été amené ces trois fois à parler du mythe du déluge de Noé/Nouh, et à chaque fois j’ai raconté le côté peu sympathique du personnage, avec l’histoire de son fils Cham (censément père de tous les noirs), maudit pour avoir vu son géniteur nu et éthylisé… épisode qui a ensuite servi à justifier la traite arabe, au nom de l’Islam ! (fallacieusement, car le prophète était anti-raciste, comme le prouve sa défense du muezzin Bilal l’Africain), une traite de proportions inégalées dans l’histoire, qui a ensuite servi de modèle à l’Europe de la Renaissance. Seulement voilà, on ne parle pas de ça sur des chaînes qui sont regardées au Moyen-Orient : ça dérange.

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  5. Bams

    Que Bailey soit blanc et parle d’histoire mémorielle noire n’a jamais été un problème pour nous. Étonnant de voir ce qu’on choisi de retenir de notre argumentaire.

    J’y retourne, qu’il partialise l’histoire, qu’il ne montre pas l’oppresseur blanc, ni la résistance ou dignité noire est pour nous un point de vue raciste.

    « Abdelatif Kéchiche a-t-il eu tort de faire son Vénus Noire, lui qui n’est pas noir ?  » On voit l’obscénité du peuple blanc d’antan, comme ceux qui sont choqués par le traitement qu’on lui fait. On est avec elle, son ressenti, son émotion, ses mots… Elle a une dignité humaine, une humanité.
     » Faut-il jeter les Couleur pourpre et autre Amistad de Spielberg ?  » Pareil, les noirs que l’on voit sont dignes et se battent pour leur liberté, la conquérir ou la retrouver, l’oppresseur, blanc est présent.

    Et c’est bien là, où l’idéalisme, du tous humains, tous pareils, ni noir , ni rouge mais tous humains a ses limites.
    Pour moi noire, cette nuance est primordiale et ultra remarquable, pour vous avec ou sans oppresseur blanc, dignité de  » l’esclave noire  » c’est la même chose. C’est soit disant … L’Histoire. Bailey exhibe purement et simplement des corps, privés de parole, soit diant le regard …, mais le resultat c’est qu’une fois de plus on est avilit, muets et exhibés comme lors des dernières expositions coloniales et ce de 1870 à 1958… L’âge de ma maman aujourd’hui. Alors non, je ne suis pas génée, je suis en souffrance face à ces tableaux, car c’est ma mère, mes gds parents, mes aïeux. Pas gène, douleur !

    Bonne soirée…

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Bams : je ne dis pas que ça vous dérange, mais moi c’est un point qui me gène en fait ! Ou plutôt, qui m’interroge : à quel moment est-ce que la bienveillance mal placée se transforme en condescendance caractérisée ? Idem avec les luttes féministes.
      Sur la dignité, je pense que c’est au contraire ce qu’il voulait faire. Quelqu’un qui vous suit du regard quand vous le regardez, sans discours ni trompettes, c’est assez impressionnant a priori ! La douleur muette est impressionnante, aussi, douloureuse parce qu’injuste, sans possibilité de se défouler. Et montrer le crime sans montrer le criminel n’empêche pas de le désigner, au contraire !
      Enfin une fois de plus, c’est une opinion très théorique de ma part, je ne pourrais avoir un avis que face à l’œuvre elle-même et je ne sais pas si j’ai vraiment envie de la voir.

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  6. Énidan

    @Bams, cette souffrance que vous avez ici bien exprimé, je l’ai comprise. Je comprends très bien maintenant votre positionnement, je vous apporte même mon encouragement.

    @Jean-no, est-il vraiment utile de camper une opinion sur votre sujet s’il manque l’élément principal : d’avoir assister au moins une fois à l’exposition

    Vous supputez beaucoup de chose sur les « belles intentions » de Brett Bailey et je pourrais penser comme vous, mais on peut se tromper lourdement. Se remettre en question n’est pas un défaut.

    Bams a raison dans ses arguments.

    Moi qui aime la culture gitane je n’aimerai pas que cette dernière soit exposée par une personne qui n’en soit pas issue ou alors n’est pas été fondue suffisamment dans le cercle pour pouvoir en parler.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Énidan : une fois de plus, je ne défends pas l’œuvre mais son droit à être montrée, et pour ça, je n’ai pas besoin de l’avoir vue, enfin pas au delà de l’aperçu que donnent les photos. Sur les intentions de l’artiste, je me fie à ce qu’il dit, hein… Évidemment on peut ne pas écouter ce qu’il dit et lui prêter des intentions hypocrites etc., mais à partir de là comment débattre rationnellement ? Par ailleurs, je distingue bien les intentions d’une part, du résultat, du ressenti du public : avoir un but noble au départ ne garantit pas qu’on l’atteindra. Si les intentions comptent, c’est pour laisser le bénéfice du doute à l’auteur et supposer que s’il a blessé, ce n’était pas intentionnellement.
      Amusant que vous parliez de la culture gitane/rrom, qui souffre notoirement d’un problème de mémoire et dont l’histoire, même récente, ne pourrait pas exister sans l’intervention de gens extérieurs, mais qui l’aiment profondément !

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  7. Énidan

    « une fois de plus, je ne défends pas l’œuvre mais son droit à être montrée, et pour ça, je n’ai pas besoin de l’avoir vue »

    En tant que défenseur de la liberté d’expression, je suis d’accord. Mais je comprend aussi la colère de Bams, elle l’a très bien justifié et par respect, je serais B. Bailey je serais plus attentif a ses réclamations.

    « Amusant que vous parliez de la culture gitane/rrom, qui souffre notoirement d’un problème de mémoire et dont l’histoire, même récente, ne pourrait pas exister sans l’intervention de gens extérieurs, mais qui l’aiment profondément ! »

    Est-ce qu’ils ont vraiment envie d’être exposé par ses gens extérieurs comme vous dîtes ?
    Même avec une réponse de Normand, ça ne changerait en rien qu’on est en droit d’être plus critique envers l’auteur si ce dernier ne fait pas vraiment partie du sujet.

    Répondre
    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Énidan : Il est regrettable que l’artiste n’ait pas voulu discuter avec les manifestants, je suis d’accord. Ceci dit, le débat se fait sans lui, la preuve ici, et c’est ce qui compte et qui justifie même l’existence de ce travail : il pousse à l’échange de points de vue.
      Je ne sais pas si Bailey ne fait pas partie du sujet, une partie de l’Afrique du Sud blanche est visiblement dans une phase de bilan de ses propres crimes et j’imagine que l’œuvre s’inscrit là-dedans. Phase dans laquelle notre charmant pays n’a pas l’air pressée de rentrer, malgré des percées ponctuelles comme le documentaire Noirs de France. Mais il est vrai qu’en exposant le sentiment de culpabilité sud-africain, on peut se faire croire que ce qu’il faut retenir, c’est : pas nous, pas ici, pas maintenant.

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      1. Énidan

        @jean-no C’est exactement ce que je pensai à l’origine, que B. Bailey mettait au contraire a nu la cruauté de l’apartheid par l’homme blanc. De plus, le fait que ce soit soutenu par des subventions publiques, le message ce devait d’être un message expiant ces horreurs passés.
        Vu sous ce prisme, c’était même une façon de dire pardon.

        Alors j’ai été surpris que des noirs y soient hostiles. Mais au vu des arguments de Bams, le silence de B. Bailey et le fait que moi aussi je n’ai pas vu cette exposition de visu, j’ai changé d’opinion.

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          @Énidan : comme dit Bams, il n’y a pas que des noirs qui y soient hostiles, et j’ajouterais que les acteurs, qui sont donc noirs, soutiennent l’œuvre (forcément) et que quelqu’un d’aussi personnellement sensible au racisme que Lilian Thuram a pris position en faveur de l’exposition.

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          1. Énidan

            C’est exact, c’est toute la magie d’un débat. 😀

            Cependant, j’ai entendu la souffrance de Bams et à travers la sienne elle se fait le porte parole de nombreuses autres. Je ne peux pas faire la sourde oreille, au contraire.

            Un compromis serait possible, ce serait que l’auteur écoute cette souffrance actuelle. Ça ne pourrait que transcender son œuvre.

            Voilà, il a les cartes en main, à lui de jouer maintenant 🙂

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