La dignité de la fonction

Bientôt, acheter l’ensemble des livres publiés dont le sujet est de régler ses comptes avec François Hollande représentera un sacré budget : Duflot, Montebourg, Trierweiler,… Et bientôt qui ? Julie Gayet, Ségolène Royal, Jean-Vincent Placé, Manuel Valls, Harlem Désir, Dominique Strauss-Kahn ?
J’imagine que la première formalité à accomplir aujourd’hui lorsque l’on devient ministre ou que l’on intègre le cercle des intimes du président, c’est de prendre contact avec un éditeur. Est-ce que, dans trois-cent ans, les étudiants en lettres se pencheront sur les pamphlets contre François Hollande, et que ceux-ci seront devenus un genre littéraire à part entière, comme les Apocalypses, les Évangiles ou les utopies ? Est-ce que, longtemps après la disparition de toutes les personnes impliquées, on en produira d’apocryphes ? On peut rêver qu’Hollande vienne lui-même à écrire un jour une réponse à tous les déçus de sa politique et de sa personne. Un truc comme ça :

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Ce n’est pas tant de permettre un droit de réponse au président qui m’intéresse, que de continuer à rire de ce grand déballage, au milieu de toutes les nouvelles moins légères qui font l’actualité.

Ce matin, la presse tapait surtout sur la vengeresse ex-compagne du président, il me semble. On pouvait ainsi lire dans un article du Nouvel Observateur intitulé La faute de Valérie Trierweiler (Renaud Dély) :

Son « œuvre » crapoteuse n’est pourtant pas seulement un attentat anti-Hollande. Quelle que soit la compassion que l’on puisse avoir pour l’individu ainsi humilié, le sort personnel du chef de l’Etat est presque devenu anecdotique dans cette affaire. Car ce livre ne se contente pas d’attiser les ressorts du voyeurisme enfouis en chacun de nous. C’est surtout une faute contre la démocratie. Et une menace pour nos institutions puisqu’il s’attaque à un de ses piliers, la fonction présidentielle, garantie de stabilité, qui perdurera après le passage de François Hollande à l’Elysée.

…Ce qui est dit ici (on note la pointe de solidarité masculine : l’individu humilié,… Personnellement, il m’a aussi l’air un peu humiliant, l’humilié1!) est quand même étrange : l’ex-première dame (elle avait un bureau à l’Élysée à ce titre) serait responsable de l’indignité de la fonction présidentielle, à elle toute seule, parce qu’elle nous apprend que l’homme avec qui elle a partagé son existence des années durant était (quelle surprise !) un peu démagogue lorsqu’il nous disait : « Je n’aime pas les riches » et prétendait que son ennemi était la finance.
Mais on n’a pas eu besoin de Valérie Trierweiler ni de l’énigmatique formule « les sans-dents » pour s’en douter, au fond : combien d’entre nous n’ont voté Hollande que parce que nous voyions en lui l’unique espoir de se débarrasser de son prédécesseur ? Quoi qu’en dise le journaliste, ce qui fait du mal à la démocratie, ce qui va nous amener les fascistes au pouvoir, c’est que la France soit dirigée par un président qui réussit l’exploit de décevoir profondément ceux qui n’attendaient absolument rien de lui.

Les entreprises signent un « pacte de responsabilité » qui n’engage que nous, mais les chômeurs sont regardés avec méfiance : quel symbole. On préfère s’en prendre courageusement au « tabou » des trente-cinq heures qu’au « totem » de la croissance, et on prévoit d’abandonner les solutions aux problèmes de logement fraîchement votées avant même de les avoir testées, car elles peinent les agents immobiliers. Les militants huent, le Médef applaudit, littéralement,… Voilà ce qui risque de déboussoler un peu les électeurs ! Ceux qui ont voté Hollande parce qu’ils l’imaginaient légèrement plus à gauche n’y reviendront plus, et ceux qui ont voté pour son concurrent ne le voudront pas non plus. Les uns et les autres, j’en ai peur, voteront pour ceux qui affirment que le PS et l’UMP sont bonnet-blanc et blanc-bonnet.
Comme destination pour quitter le pays, j’hésite entre le Québec, la Norvège, l’Islande, la Belgique, l’Australie, la Nouvelle-Zélande… Ou peut-être un pays d’Amérique du Sud, pourquoi pas, ils semblent vivants, au moins.

pathetique

Revenons à l’article du Nouvel Observateur. La fin est assez odieuse :

Sans doute, l’appât du gain, et un contrat de 500.000 euros, suffisait-il à justifier cette oeuvre de démolition. Cela peut se comprendre. On est loin des états d’âme d’Emma Bovary, qui elle n’avait rien touché.

…non seulement Valérie Trierweiler humilie l’homme, détruit les institutions, mais elle le fait pour de l’argent ! Oh la méchante ! Tandis qu’Emma Bovary (personnage de fiction, hein) n’a pas touché un kopek (mais dépensait sans états d’âme l’argent de son mari). En même temps, Emma Bovary ne pouvait pas réclamer de droits d’auteur, n’étant pas écrivain. On comprend mal le rapport. On a vu fleurir bien d’autres comparaisons : télé-réalité, soap-opera, vaudeville, comédie de boulevard, marivaudage de supermarché (dixit un secrétaire d’État dont j’ai déjà oublié le nom), Angélique (Inrocks). On a accusé la dame de tous les crimes contre la République, peut-être implicitement contre la virilité, et sans doute aussi contre la confraternité : donner la primeur des extraits du Livre à Paris Match, sans partager, c’était pas gentil. Il faut le dire : toutes les critiques portées depuis hier émanent de gens qui admettent ne pas avoir lu le livre et dont certains, vertueusement, promettent qu’ils ne le feront pas !
Bien sûr, l’anecdote, les coucheries, ne sont pas d’un intérêt cosmique. Et les histoires de femmes bafouées sont malheureusement trop banales pour être intéressantes autrement qu’en étant vraiment bien écrites.
Ségolène Royal a expliqué, en commentaire à cette affaire qu’« il faut juger les hommes politiques à leurs actes », Je ne suis pas sûr qu’un tel critère joue beaucoup plus en sa faveur.

Hollande, après tout, est peut-être un bon personnage de fiction : comment cet énarque terne au sourire faux (ses yeux rient rarement avec sa bouche, en tout cas, il vaut toujours mieux le contraire) est-il parvenu à devenir président de la République ? Et avant ça, comment a-t-il pu devenir premier secrétaire d’un parti dont il sera sans doute le fossoyeur ? Comment, avec son air de figurant d’un épisode non-diffusé de l’Inspecteur Derrick, est-il parvenu à accumuler les conquêtes amoureuses ? Et comment se fait-il que tout semble glisser sur lui ? J’imagine bien un conte sur lui, une comédie fantastique façon Twilight Zone, une histoire de pacte avec le diable. Ça expliquerait sans doute la pluviométrie des deux dernières années.

Ne serait-ce que pour peiner ceux qui l’insultent aujourd’hui, je lirai avec plaisir le livre de Valérie Trierweiler. Mais en poche. Faut pas non plus exagérer.

  1. Certains éditorialistes plaignent même Hollande en tant que paisible bourgeois à qui sa vieille maîtresse fait une scène lorsqu’elle découvre qu’on va l’abandonner pour un tendron : pauvre homme, que de tracas, ces bonnes femmes, hein ! []

2 réflexions sur « La dignité de la fonction »

  1. Ines

    Certains libraires refusent de vendre le livre de Valérie Trierweiler. Je n’ai jamais entendu le moindre libraire dire qu’il refusait de mettre sur ses étals des torchons misogynes et/ou racistes (par ex. de Zemmour, Finkelkraut, etc), qui eux portent pourtant sévèrement atteinte à des valeurs proclamées « républicaines »… Des journalistes qui servent pourtant la soupe au FN à longueur d’année mettent un point d’honneur à faire croire qu’ils sont au-dessus du livre de l’ex-première dame éconduite. Des hommes/femmes politiques qui passent leur vie à parjurer leurs promesses de campagne jouent la bienséance en affirmant ne pas vouloir « s’abaisser » de commenter l' »affaire »; pourquoi pas, dans l’absolu, mais dans le cas de celles et ceux qui traînent les casseroles judiciaires et les associations en bandes douteuses, c’est terriblement comique.

    On peut trouver le déballage de Mme Trierweiler de mauvais goût, mais il ne saurait occulter la mauvaise foi généralisée qui l’entoure. Tous ont voulu un « président normal » et ils l’ont eu: le gars un peu médiocre qui réussit à obtenir sur un malentendu une promotion pour un job pour lequel il n’a pas les qualifications requises, et qui utilise le mensonge pour palier au manque de courage et d’initiative dans le domaine de ses relations amoureuses. Tellement banal…

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Ines : je suis sûr qu’il y a des librairies qui se refusent à acheter Zemmour, Finkie, ou des livres de développement personnel, mais il est étonnant qu’elles soient si nombreuses, cette fois, à faire savoir qu’elles refusent ! Et parfois de manière douteuse, comme une qui disait « par contre on a Balzac, Dumas, Maupassant » : comme par hasard des noms d’écrivains que tout le monde connaît mais qui permettent à tout un chacun de se sentir cultivé… Et qui ne sont pas forcément de bons exemples d’actualité littéraire. Cette manière méprisante de dire « on ne mange pas de ce pain-là » est un peu moyenne.

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