La religion, un mal ?

Mona Chollet a publié un article intitulé « Oui mais quand même, la religion, c’est mal » – Montée de l’islamophobie et banalisation du fémonationalisme. Étayé par de nombreux éléments pertinents, cet article s’en prend d’abord au recours à l’anti-cléricalisme comme déguisement acceptable pour un rejet qui vise toujours les mêmes : les musulmans, voire les arabes.

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à gauche, une militante Femen envoie un signe hostile aux éventuels supporters de l’équipe turque Galatasaray qui voudraient venir soutenir leur équipe à Lviv. La jeune femme qui pose nue, une couronne traditionnelle ukrainienne de fille à marier sur la tête, entourée de deux jeunes hommes aux poings serrés, porte le nom et les couleurs de son club, Karpaty, sur sa peau. Les Femen sont habituées au mélange des genres et aux protestations tous azimuths, mais ici, la revendication était (la photo date de 2010) clairement xénophobe et nationaliste. À droite, des supporters du Galatasaray, équipe actuellement entraînée par une femme, Duygu Erdoğan, situation qui est loin d’être banale dans le monde du football.

Effectivement, les Femens, Caroline Fourest ou Charlie Hebdo, qui se disent en croisade contre toutes les oppressions religieuses, semblent parfois focaliser leur combat sur l’Islam et sur les musulmans, renforçant sciemment ou non les théories de « choc des civilisations » en vogue, et ce en se réclamant de buts louables : liberté, féminisme, humanisme, lutte contre l’homophobie. Leur indignation parait souvent assez sélective. Par exemple, si un musulman commet une horreur en criant « Allah Akbar », ou profère une menace de mort, il représentera, selon certains, un milliard de personnes, tandis qu’un chrétien qui fait quelque chose de semblable se verra présenté comme un fou isolé ou soupçonné d’avoir été conditionné par un groupe sectaire. Ce qui est généralement vrai, du reste, mais pourquoi refuser la même grille d’analyse dès lors qu’il s’agit d’Islam ?
Depuis que les journaux télévisés parlent abondamment d’Islam fondamentaliste (depuis la guerre civile en Algérie, au début des années 1990 ?), on utilise le mot « modéré » pour qualifier tout musulman « normal », et ce mot « modéré » est un poison, car il sous-entend une retenue, une contention, et signifie donc que ce qui n’est pas « fondamentaliste » est, en quelque sorte, tiède, constitue une version diminuée d’une pratique religieuse dont l’essence brute serait l’extrémisme. Le « modéré », c’est celui qui est à deux doigts d’abandonner la foi, si l’on se fie aux écrits des premiers chrétiens1 comme, sans doute, au Coran. Il faudrait comparer méthodiquement le vocabulaire médiatique employé pour qualifier les fidèles de telle ou telle religion, mais je doute que l’on entende souvent parler de « chrétiens modérés » pour qualifier les gens qui vont à la messe tous les dimanches.
Les leçons d’histoire ou de théologie improvisées par ceux qui jettent un œil rapide à tel ou tel texte relèvent à mon avis de ce que les psychologues nomment le « biais de confirmation » : on croit ce qui va dans le sens de ce qu’on croyait déjà et on ignore ce qui contredit nos préjugés, ou même, on esquive toute occasion de confronter nos préjugés à une réalité opposée.

Entre autres « traitements de faveur » dont bénéficie la civilisation islamique, je trouve ahurissante la manière dont certains ignorants pontifient sur la non-originalité de la science arabe médiévale, qu’ils résument à une simple conservation de l’héritage grec, ignorant l’apport extraordinaire que constituent la médecine, l’astronomie et les mathématiques arabes, notamment. On crédite même le grand physiologiste Ibn Nafis (XIIIe siècle) de l’invention de la science-fiction, avec son roman le Theologus Autodidactus (dont je ne connais pas de traduction française). La science arabe a en réalité énormément pesé sur la naissance de l’université et de la science dans les pays chrétiens, où les velléités de progrès dans le domaine ont longtemps été bridées par les religieux, au nom de leurs certitudes ou de leurs tabous.

La vie de Mahomet

La vie de Mahomet, par Charb et Zineb, tome 2. En quatrième de couverture, Charb explique qu’il a été respectueux de l’histoire de Mahomet et s’est interdit tout humour ou recul critique. De fait, le scénario de cette bande dessinée intéressante est une bonne synthèse et ne peut choquer aucun connaisseur du Coran et des Hadiths, si ce n’est que le dessin, par lui-même, induit une distance puisqu’il est intrinsèquement comique — mais il est vrai que ce dessin ne constitue pas un traitement de faveur particulier, puisque Charb dessinera de la même façon n’importe qui. Reste qu’il n’a pas encore fait de « vie de Jésus » ou de « vie de Moïse », et le jour où il le fera, il sera difficile de penser que ça n’aura pas été pour donner le change face à cette critique précise.

On peut aussi créditer l’Islam des origines de l’établissement théorique d’une ébauche de droit des femmes (certes bien imparfait, douze siècles plus tard), ou de l’anti-racisme. Sur ce dernier point, même si des siècles plus tard, des musulmans ont utilisé l’histoire de Noé et de Cham comme prétexte religieux pour justifier la traite des noirs2, le prophète avait, lui, pris sous sa protection Bilal l’éthiopien, premier Muezzin, et affirmé à son sujet que l’arabe n’est pas supérieur au non-arabe, que le blanc n’est pas supérieur au noir, si ce n’est par la piété — affirmation qui est bien entendu à double-tranchant et relève du chantage, puisqu’elle impose la conversion à celui qui veut être l’égal de son prochain. L’Islam a aussi théorisé la co-existence avec d’autres religions (enfin avec les deux religions que Mahomet considérait comme ancêtres de la sienne), et plusieurs grands savants arabes sont en fait chrétiens ou juifs, mais ont pu travailler sous la protection de dirigeants musulmans, peu de temps après l’époque où Charlemagne faisait assassiner les non-chrétiens qui avaient le malheur de fouler la terre chrétienne dont il voulait préserver la sainteté. Pour l’anecdote, ce sont les conversions autoritaires et les massacres de païens par Charlemagne qui ont provoqué la colère des paisibles marchands scandinaves, devenus pillards (Vikings) pour quitter leurs fjörds à la belle saison et aller vider les abbayes et les églises situées sur le long de la Seine, de la Loire ou de la Garonne de leurs trésors, activité qui, a provoqué la circulation de fortunes jusqu’ici dormantes, offrant une subite vitalité économique au monde chrétien, devenu grâce à cela suffisamment dynamique pour construire une quantité énorme d’édifices religieux (le fameux « blanc manteau d’églises » évoqué par Raoul le Chauve), mais aussi pour se lancer dans l’aventure des croisades, lesquelles ont, en deux siècles, provoqué la fin de l’âge d’or islamique tout en permettant à la science des pays catholiques de profiter des découvertes des savants arabes. Malgré la prise de Byzance quelques siècles plus tard, le monde musulman a perdu toute la vigueur de ses premiers siècles au terme des croisades, et l’Islam (hors empire Ottoman sans doute) est devenu, dans l’imaginaire des colonisateurs européens en tout cas, la religion du « mektoub », d’une certaine résignation face au destin, une religion tournée vers le passé et les contes de féés (ou de djinns); vaguement soupçonnée d’être associée à des coutumes cruelles et, en tout cas, écartée de toute possibilité de se moderniser — vision des choses bien commodes pour établir la domination condescendante des colons européens. On peut imaginer l’intérêt ou l’espoir que représente, pour de nombreux musulmans, la vigueur et la fierté recouvrées de l’Islam revendicateur qui est né avec la décolonisation et les pétrodollars.

Les vrais historiens trouveront sans doute ma manière de faire le récit de plus d’un millénaire d’histoire humaine un peu cavalière, j’accepte par avance cette critique. Je voulais donner la vision que j’ai des choses pour expliquer que je trouve bien bête ce tweet de Richard Dawkins :

dawkins

J’aime beaucoup Richard Dawkins pour son Gène égoïste, et pour son invention de l’idée de mème, qui est au monde des idées ce que le gène est au vivant3. J’ai bien aimé son God Delusion (Pour en finir avec Dieu, en français) et je ne suis pas gêné par son athéisme militant, je fais même partie de ses centaines de milliers de followers sur Twitter — ceci dit, beaucoup desdits followers sont des adversaires déclarés du biologiste britannique et ne le lisent que pour le couvrir de tombereaux d’insultes ou pour tenter de lui démontrer que Dieu est partout puisqu’il n’est nulle part.
Mais en émettant une vérité cruelle sur le monde musulman, Dawkins n’est plus dans son combat contre l’irationnel, il affirme une supériorité des pays chrétiens sur les pays musulmans, en faisant de l’Islam la cause même de la faible vigueur des universités en sciences dures des pays musulmans.
Or la cause, la vraie, ce sont les croisades et la reconquista, c’est la colonisation, c’est la décolonisation et les régimes autoritaires et nationalistes qui ont été mis en place soit pour permettre cette décolonisation, soit pour qu’elle reste profitable aux ex-colonisateurs, selon les cas.
Quand Dawkins ajoute que le monde musulman tout entier a produit moins de prix Nobels que la seule université de Cambridge4, il n’évoque pas le fait que la prospérité britannique s’est construite sur le dos de ses colonies, protectorats, mandats et dominions (autant pour la France, bien sûr, l’autre grand empire colonial). Il ne se demande pas si les régions minières sinistrées de Grande-Bretagne ont produit autant de Nobels que les habitants des beaux quartiers de Londres. Il ne dit pas que le manque d’instruction a été encouragé dans de nombreux pays pour que l’on puisse en spolier les matières premières.
Mettre tous ces problèmes sur le dos d’une religion est un peu court, et l’exprimer par ce genre de phrases déterministes, plutôt insultant et pas vraiment digne de quelqu’un qui représente la science dans l’esprit du public.
L’insulte, le mépris, est bien la grosse erreur que peuvent commettre les athées, qui pensent que leur lucidité vis à vis d’entités divines imaginaires est la garantie chez eux d’une clairvoyance universelle.
Sur ce point, et bien que ce genre d’attitude me vienne facilement, je peux difficilement ne pas rejoindre Mona Chollet.

Le sanctuaire de Lourdes : tais-toi et prie ! (photo : bibi)

Le sanctuaire de Lourdes : tais-toi et prie ! (photo : bibi)

Mais en même temps, je persiste à considérer les religions avec hostilité, et notamment les religions monothéistes prosélytes à vocation universelle et exclusive5, à savoir le Christianisme et l’Islam.
En tant que systèmes de croyances, ces religions ne me gênent pas énormément : si les gens ont envie de croire que les hosties transsubstantiaionnent ou qu’il faut embrasser un aérolithe enfermé dans un cube géant après avoir effectué sept circumambulations pour faire pardonner ses pêchés, très bien. Mais une religion n’est pas qu’une somme de croyances, c’est aussi un outil de domination. On remarque que les dieux, et notamment les dieux uniques, que l’on ne peut contester puisqu’ils n’ont pas de concurrents, ont toujours des exigences précises sur les détails de la vie : mange pas ci ! debout ! fais pas ça ! assis ! porte ce chapeau : couché ! De manière assez rusée, les ordres les plus irrationnels sont enrobés dans une morale de bon sens (il ne faut pas tuer et ne pas voler) qui n’a évidemment besoin d’aucun support surnaturel irrationnel pour exister, mais que les religieux parviennent à faire ensuite passer pour leur invention — je suis toujours épaté par le nombre de non-croyants qui voient la religion comme un mal nécessaire pour inculquer une moralité aux esprits faibles. La morale n’a jamais eu besoin de Dieux, et au contraire, les Dieux sont souvent prompts à proposer des amendements à la morale élémentaire : ne mens pas, sauf à l’infidèle ; ne tue pas, sauf le mahométan ; ne vole pas ton prochain, mais pille les richesses des païens ; tous les hommes sont égaux, sauf ceux qui n’embrassent pas la même foi que toi.
Par les rites qui ponctuent l’existence, les religions servent à souder les sociétés, à relier les gens autour d’un système de croyances et de pratiques (y compris pratiques sociales, comme le degré de pudeur et les formules de politesse, ou encore les pratiques relatives à l’hygiène), et cela explique qu’il soit si difficile d’y renoncer, mais cela explique aussi que des religions théoriquement universelles puissent si facilement devenir un support au nationalisme ou au communautarisme — il existe des gens qui croient sincèrement que leur dieu veut faire gagner leur équipe de football, quand bien même il est aussi le dieu de l’équipe adverse. Dans l’idée de certains, dieu n’est que le principe immatériel et improbable qui fait exister une communauté en tant que telle. On peut être chrétien sans le moindre résidu de foi, mais parce qu’on ne s’imagine pas renoncer au mariage religieux, au baptême ou aux offices funèbres6, et qui bien entendu fêtent Noël ou achètent des cadeaux à Pâques. Je connais aussi des musulmans qui ne pratiquent pas leur religion, qui se décrivent comme agnostiques (manière polie de dire qu’on est athée, bien souvent) mais qui font le Ramadan, soit pour faire plaisir à leurs parents, soit par habitude, soit parce que la fête qui suit la rupture de jeûne n’a pas de sens sans jeûne, ou quelque chose comme ça. Je me souviens de l’histoire d’une fille qui mangeait une barre chocolatée dans la rue et qui a reçu une lourde claque de la part d’un inconnu qui l’a au passage traitée de prostituée parce qu’elle osait manger pendant le Ramadan. Cet homme avait jugé que la jeune femme, d’origine maghrébine, devait se conformer à la contrainte religieuse, parce qu’elle était, pour reprendre le mot si décrié de Nicolas Sarkozy, « d’apparence musulmane ». On voit dans cette histoire que la religion n’est pas pas qu’une affaire intime de foi et d’adhésion individuelle, mais bien aussi un outil pour constituer les identités communautaires, au détriment de l’identité individuelle.

En cas de grosse demande, il faut brûler un gros cierge à 150 euros (Lourdes, le sanctuaire, photo bibi).

En cas de grosse demande, il faut brûler un gros cierge à 150 euros (Lourdes, le sanctuaire, photo bibi).

C’est parce que la religion est rarement un véritable choix intellectuel qu’il faut s’en défier — si l’on chérit la liberté, et notamment sa propre liberté7 —, mais c’est aussi pour cette raison, paradoxalement, qu’il faut la respecter, parce que les croyants considèrent leur religion comme une partie d’eux-mêmes, qu’ils aient été convertis de fraîche date ou qu’ils héritent leur foi de leurs ancêtres. On ne fera jamais de mal à un dieu en l’insultant, ce sont ses fidèles qui prennent l’insulte pour eux, qui en sont fâchés ou qui se sentent humiliés. Par ailleurs, en disant à des croyants des vérités sur leurs dieux, on fait les affaires de leurs prêtres, qui savent que le martyre, la censure ou l’interdiction éprouvées, le crachat ou l’insulte reçus, sont autant d’outils de communication, de conversion ou de renforcement de la foi. Du reste, ce qui peut rendre l’Islam dangereux, ce n’est pas la fantaisie de ses textes fondateurs (lisez les autres, vous m’en direz des nouvelles) ni des croyances associées, mais bien le constant sentiment d’humiliation que ressentent ses adeptes, sentiment qui est justement provoqué par le manque d’estime ou de sympathie avec lequel on les traite.
Bref bref bref, la religion n’est pas toujours un bienfait, elle n’est pas logique, elle n’est pas fondée, mais il faut faire avec, sans pour autant se laisser trop faire. Ce n’est pas forcément incompatible, c’est un équilibre à trouver.

  1. Paul, dans la première épître aux Corinthiens, explique que l’important n’est pas de participer, mais bien d’être le plus zélé croyant : « Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul remporte le prix ? Courez de manière à le remporter ». Corinthiens I 9:24. Je pourrais citer aussi l’histoire affreuse d’Ananias et Saphira (Actes 5:1), assassinés car ils n’avaient légué à la communauté qu’une partie de leurs biens, et non la totalité, histoire qui est depuis utilisée pour expliquer que la foi n’existe pas à demi. []
  2. Cham, censé être le père de tous les noirs, a vu son père ivre et nu et est allé demander de l’aide à ses frères Sem et Japhet, qui ont recouvert Noé d’un manteau. Comprenant qu’on l’avait vu nu, Noé à demandé à ses deux autres fils qui avait vu sa nudité, et ceux-ci ont désigné Cham, qui a été maudit, avec sa descendance, pour ce crime. Noé a un côté « white-trash » assez sordide, pas étonnant qu’il reste le modèle des survivalistes américains. Cette histoire, plus que celle d’Adam et Eve, est la justification théorique de la pudeur dans la pratique du judaïsme et des religions qui s’en sont inspirées. []
  3. Malheureusement, le mot mème a été popularisé récemment pour décrire les vogues humoristiques sur Internet. []
  4. Il précise « Trinity college », le collège de la Trinité, dont le nom se rapporte clairement au Christianisme. []
  5. Il existe des religions non-exclusives, notamment en Asie : on peut être Shintoïste et et Bouddhiste, ou être Bouddhiste et un peu taoïste, un peu confucianiste, et pratiquer le culte des ancêtres de la religion traditionnelle chinoise. Si le Christianisme et l’Islam ne sont pas toujours bien vus en extrême-orient, et notamment en Chine, c’est parce que ces religions refusent la cohabitation avec d’autres dans le cœur du croyant. À ce sujet, on peut voir à Lourdes une quantité de d’hindous qui viennent déposer des cierges ou prier : ils savent qu’il s’agit d’un lieu catholique, mais ce qui leur importe est plutôt de se recueillir dans un lieu « saint », et il y en a peu de ce genre en Europe… []
  6. Je me souviens d’un ami juif qui râlait à l’enterrement civil d’un ami commun, en disant qu’il aurait fallu une messe, car les curés sont des professionnels de la mort. []
  7. La religion n’est pas seulement une menace pour la liberté. Elle serait aussi, si on en croit une méta-étude publiée par la Personality and Social Psychology Review qui synthétise une soixantaine de travaux réalisés sur près d’un siècle, adversaire de l’intelligence, au sens où la capacité à raisonner des croyants serait inférieure à celle des non-croyants. Entre autres explications proposées, les chercheurs avancent que les gens intelligents peuvent se sentir moins attirés par les explications du monde irrationnelles, ou que, accédant généralement à un meilleur milieu socio-culturel, les gens les plus intelligents ont plus d’estime d’eux-mêmes et ont moins besoin de religion. Bien entendu, s’il suffisait d’être athée pour être intelligent et si aucun religieux ne pouvait l’être, ça se saurait, et bien entendu, l’intelligence n’est pas une chose aisée à définir. []

25 réflexions sur « La religion, un mal ? »

  1. Ardalia

    Très intéressant et juste, à mon sens. A propos de taoïsme, c’est une branche du bouddhisme ; on peut être bouddhiste sans être taoïste, mais non l’inverse. J’ai d’ailleurs été très déçue d’apprendre que le Tao n’était pas du tout expurgé de croyances en une solide et complexe mythologie. Probablement que Taisen Deshimaru et les autres diffuseurs n’ont pas mis l’accent sur ce côté moins intellectuel de la pratique (fais zazen et tais-toi ? ^^).

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Ardalia : il y a des liens historiques forts, mais on peut être Taoïste sans être Bouddhiste, le Tao est une religion bien distincte. En revanche le Zen (japonais, qui n’est pas sans affinités avec le Tao) est toujours bouddhiste je pense. Vérifie tu verras ! Le Tao, c’est Lao Tseu, le livre de la voie et de la vertu (Tao Te King), Meng Tseu, etc.
      La superstition et la base mythologique, dans le Tao est ce qui fait qu’on a tort d’en parler comme d’une « philosophie » même si ça ne ressemble pas tout à fait à ce que nous appelons ici religion.

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      1. nojhan

        Je confirme : le Taoisme est une religion née en Chine à partir du fond religieux ancien y existant, alors que le bouddhisme est une religion révélée en Inde. Les deux sont donc bien séparés historiquement. La Chine a très bien intégré certaines formes de bouddhisme et certains analystes considèrent le triplet Taoisme-Confucianisme-Bouddhisme comme formant une forme de « religion Chinoise ». Le Zen est la version japonaise d’une école bouddhiste chinoise (le Chan). Sinon, personnellement je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas qualifier le Taoisme de religion (quelle drôle d’idée !).

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          @Nojhan : ce refus de donner le statut de religion aux religions chinoises (que l’on qualifie de « philosophies » à la place) est très courant, je pense que c’est un peu comme qualifier de « patois » les langues régionales qu’on veut faire disparaître.

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          1. Nojhan

            Je ne sais pas si c’est la preuve d’une volonté qqonque. Par contre, je trouve ça surprenant car c’est paradoxal : non seulement cette idée méconnait lourdement le fait religieux en asie (on _prie_ bouddha dans les temples en mongolie, par exemple) mais elle minimise tristement les philosophies attachées aux religions du livre (pourtant très riches elles aussi).

            Parfois je me laisse aller à croire qu’il ne s’agit que d’une bienveillante et optimiste ignorance envers des contrées exotiques…

          2. Captp

            C’est aussi, tout simplement, une question de langage, et de conceptions du monde. Et non, le mot religion est loin de « coller » aussi simplement à l’ensemble des préceptes de ce que tu appelles toi religion en Chine.

            Ce fossé de langage, c’est exactement celui qui sépare les « philosophes » grecs des « philosophes » chinois des temps anciens (on peut d’ailleurs également se poser la question pour Platon, Epictète, etc. de savoir s’ils sont philosophes ou religieux, bien que l’étiquette philosophe leur ait été collée depuis longtemps).

            Un exemple simple : la philosophie aristotélicienne est incapable de concevoir le mouvement en autre chose que des « contenants » et « contenus ». Les phénomènes de transition n’existent pas. En Chine, c’est le cloisonnement qui n’existe pas, au profit d’un écoulement « naturel » des choses.

            Qu’on le veuille ou non, nous sommes en Europe les descendants des écoles de pensées grecques. Et par notre langage, il nous est très difficile de « cloisonner » la pensée chinoise (en revenant à notre structuralisme bien ancré), justement car il n’y a pas lieu de le faire et qu’on insiste quand même.

            Pour le patois et les langues régionales, c’est un problème différent et similaire à la fois. La question y est plutôt celle d’un écart à la norme (il faut vous souvenir que le français tel qu’on le connait a été créé, normé et décidé politiquement, alors que les langues régionales ont continué à vivre sans normalisation stricte, d’où par exemple de grands débats lorsqu’il s’agit de faire des dictionnaires français-alsacien par exemple).

            Normaliser, c’est encore une façon de structurer. Vous me suivez ? 😉

  2. Karl-Groucho D.

    Tao. Ni religion, ni transcendance. Et on en prend que ce qu’on veut. Par ex. le tome I des « Philosophes taoïstes » en Pléiade, qui outre le Tao-tö king, comprend le Tchouang-tseu, et le Vrai classique du vide parfait de Lie-tseu. Par contre, le tome II m’est apparu absolument bidon et décevant.

    Un extrait (du tome I !) qui me botte spécialement :

    « […]
    Produire et entretenir
    Produire sans s’approprier
    agir sans rien attendre
    Guider sans contraindre
    voilà la vertu primordiale. »

    Tao-tö king, X
    Lao-tseu

    (Traduit du chinois par Liou Kia-hway et relu par Étiemble)

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Karl-Groucho D. : on en prend ce qu’on veut, oui. Mais c’est bien une religion, avec ses religieux, ses rites, ses textes canons,…

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  3. El Gato

    Si aujourd’hui les chrétiens, au moins en France, sont généralement « modérés » et au-delà si la France a pu devenir un pays laïque, après toutes ces années où la religion catholique a été identitaire (la France, fille aînée de l’église) c’est parce que de nombreuses personnes, depuis la Révolution française, se sont battus pour avoir le droit de blasphémer. http://www.deljehier.levillage.org/textes/chansons_revolutionnaires/le_pere_duchesne.htm

    Le sentiment d’humiliation était encore bien présent en 40 lorsque le Cardinal Gerlier a déclaré « Pétain, c’est la France et la France, aujourd’hui, c’est Pétain ». Et la messe n’est pas encore dite pour tout le monde comme nous l’ont rappelé certaines manifs d’opposants au Mariage pour tous.

    La liberté de blasphémer est un combat politique qui me semble indissociable de l’idée même de laïcité.
    Blasphémer, c’est dire que la religion n’est pas plus sacrée que n’importe quelle croyance, n’importe quelle idéologie. Les blasphémateurs savent bien que l’on ne fera jamais de mal à un dieu en l’insultant, mais tant que ses fidèles prendront l’insulte pour eux, s’en sentiront fâchés ou humiliés, ils ne feront pas la différence entre la sphère privée, leurs croyances personnelles , et la sphère publique où toutes les croyances se valent, qu’elles soient religieuses ou non, et sont susceptibles d’être contestées.
    J’ajoute que je suis moins pessimistes que toi, car ces derniers temps, j’ai plutôt eu le sentiment d’un raz le bol au sein des croyants musulmans en France, genre « bon si on passait à autre chose », qui me semble tout à fait rassurant.

    J’ajoute que le blasphème ne va pas de soi. http://www.laicite1905.com/inauguration.htm
    Ce sont les autorités religieuses qui définissent ce qui est un blasphème. Dans certaines théocraties, les signes religieux des autres confessions sont considérés comme des blasphèmes. Pour s’interdire le blasphème, il faut commencer par le définir, donc faire siennes des règles édictées par des autorités religieuses. Est-ce qu’il faudrait prendre en compte uniquement les religions du livres, considérer toutes celles qui ont une antériorité de quelques centaines d’années, ou prendre en compte également les adorateurs de l’oignon et autres sectes ?

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @El Gato : chaque religion est le blasphème d’une autre, bien sûr !
      Mais la France est-elle si laïque ? Il y a quelques minutes j’ai entendu sonner les cloches dans une église qui appartient à la commune où je me trouve, laquelle commune a restauré le lieu et le prête sans contrepartie à un prêtre membre de l’église catholique. C’est une église étrange, en haut d’un mont, là où se trouvait un château au moyen-âge. Mais un jour, le châtelain a tué un curé, alors on l’a tué à son tour, et on a fait disparaître son château, remplacé par une église, et fait disparaître sa famille et jusqu’à son nom : personne ne sait de manière certaine comment il s’appelait.
      L’Eglise catholique a pas mal perdu depuis le XVIIIe siècle, mais elle conserve en France un pouvoir sur lequel personne ne semble vouloir revenir.

      Répondre
  4. El Gato

    Ce qui est certain, c’est que la place qui lui avait été laissé par notre histoire n’était pas de son point de vue très satisfaisante, et que le débat sur le blasphème lui aura donné des couleurs. Il y a pour l’instant une alliance objective entre les 3 religions du livre autour de tout ce qui remet en cause l’athéisme.

    Bon, je ne sais pas si c’est la cause de ton histoire, mais la séparation de l’église et de l’État a eu pour conséquence que c’est désormais aux communes d’entretenir les églises. Et en général, ça excède leurs possibilités financières. Jusqu’à présent elles avaient plutôt tendance à chercher à les vendre. Tu es certain que c’est un choix religieux qui a été réalisé par la commune?

    Répondre
    1. Wood

      La France a été mariée à l’église pendant 1400 ans et n’en a divorcé qu’il y a un peu plus d’un siècle. C’est encore tout frais, pour ainsi dire. Il y a certes de l’amertume, mais aussi encore de vieilles habitudes qui trainent. La France continue de venir faire des travaux dans la maison de son ex, et de prendre des jours de congés pour lui souhaiter sa fête et son anniversaire, sur l’air « Ouiiii, mais tu peux pas comprendre, c’est mon ex quand même, après tout le temps qu’on est resté ensemble, je peux pas la planter comme ça… Mais non, on va pas se remettre ensemble, c’est pas comme ça, c’est compliqué… »

      Il suffit de demander à un quelqu’un qui pratique une religion autre que le christianisme en France pour comprendre que notre laïcité est à deux vitesses.

      Répondre
  5. ®om

    Très intéressant pour l’instant, je n’ai pas encore fini de lire, mais je tique sur cette phrase :

    ignorant l’apport extraordinaire que constituent la médecine, l’astrologie et les mathématiques arabes

    L’astrologie, un apport extraordinaire ? Voulais-tu plutôt dire astronomie ?

    Répondre
      1. Wood

        Ah ? Ah ? Je croyais qu’on ne se relisait pas ?

        Ceci dit il me semble qu’à l’époque dont on parle, astronomie et astrologie étaient intrinsèquement liées.

        Répondre
        1. Jean-no Auteur de l’article

          @Wood : attends, je me relis pas, mais je n’interdis pas aux gens de me lire, et je ne m’interdis pas de corriger les erreurs qu’on me signale 🙂
          Effectivement, Astrologie et Astronomie ont longtemps été liées et certains des plus grands astronomes jusqu’au XVIIe ont même été forcés de faire de la divination pour être financés en tant que scientifiques (me souviens plus si c’était le cas de Kepler, de Galilée, Brahé ou des trois).

          Répondre
  6. nojhan

    Note qu’en france, l’islam est une minorité et que le christianisme se sent brimé, mais que c’est loin d’être le cas partout dans le monde. À elles deux, ces religions rassemblent l’écrasante majorité des êtres humains (ainsi que l’écrasante majorité des persécutions). Je trouve ce simple fait intéressant quand on parle de rapports aux minorités.

    Sinon, on peut aussi rappeler qu’il y a des tensions très fortes entre bouddhistes et musulmans au Sri Lanka et au Myanmar, et que la majorité bouddhiste est bien loin d’y correspondre à l’image d’Épinal qu’on en a en Europe.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @nojhan : c’est sûr, l’Islam et le Christianisme ont, au fil des siècles, détruit une quantité de religions, leur succès est dû à leur volonté de dominer sans partage.

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  7. masrwatouness

    Bonjour,

    Je suis musulmane et je tiens à vous dire MERCI pour ce billet. Vous ne pouvez imaginer le bien que cela m’a fait de lire votre billet et de me dire « je ne partage pas son opinion sur ce qu’il écrit sur ma religion, mais je me sens respectée en tant que croyante et surtout en tant qu’être humain tout au long de son argument ».

    Il est vrai malheureusement qu’aujourd’hui le « droit de critiquer les religions » est brandi à tout va par certains qui y cachent des arguments « racistes post-raciaux » à l’encontre de groupes ethniques spécifiques; cachés ainsi sous le couvert respectable de la raison pure qui interroge des archaïsme, les mots visent surtout à avilir des populations et décrire leur culture comme intrinsèquement inférieure. Vu que ça ne se fait plus de dire « untel ne peut pas être considéré comme civilisé parce qu’il est basané/noir », on se permet de dire « untel n’est pas compatible/intégré/intégrable avec les valeurs républicaines du fait de son appartenance religieuse ». Mais le fond nauséabond reste le même… défense féroce de valeurs nationalistes voire impérialistes, expression d’une supériorité (blanche) sur le reste du monde. Instrumentalisation au passage de combats nobles tels que le féminisme ou la laïcité.

    Par contre je pense en tant que croyante que nous croyants devons faire une sérieuse réflexion et une grande remise en question sur la façon dont nous réagissons au blasphème et à la critique. Déjà, si nous commencions par poser les mots justes sur ce qui nous dérange et arrêter de faire passer tout ce qui nous dérange sous l’excuse de la religion: dans l’immense majorité des cas, ce qui dérange dans une affaire comme les dessins de Charlie Hebdo ou le film « l’innocence des Musulmans », c’est moins le contenu des dessins/film (que 99% des gens n’ont même pas vu) que le sentiment d’humiliation ressenti du fait que le blasphème vienne de ce fameux Occident que l’on considère nous avoir déjà tout pris, et qui se permet encor de piétiner le peu qui reste (un peu comme un pauvre/chômeur prendrait mal une blague venant de la part d’un riche qui s’est par ailleurs enrichi sur son malheur). Ces affaires n’auraient jamais pris de telle ampleur si les artistes/dessinateurs qui les avaient commis étaient sud-américains ou asiatiques ou je ne sais quoi encore. Il n’empêche que cela montre notre difficulté à nous croyants à mettre les mots juste sur notre insécurité face au blasphème, et on ne peut plus faire l’économie d’une réflexion à ce sujet, à l’heure de la communication globale où de toute façon toutes les opinions existent et son exprimées. Comme on ne peut faire l’économie d’une réflexion sur les utilisations démagogiques et tyranniques de notre propre foi, se demander pourquoi les régimes tyranniques y trouvent si bien leur compte.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @masrwatouness : le sentiment d’humiliation dont vous parlez est un poison puissant et dangereux, qui est, pour ce que je peux voir, cyniquement utilisé par ceux que la théorie du « choc des civilisations » arrange : les régimes autoritaires de pays musulmans divers qui s’en servent pour détourner l’opinion de ses problèmes locaux, comme les Américains (surtout) qui ont besoin d’un ennemi et d’une peur pour remplacer l’URSS et favoriser le sentiment national, enfin de tous les gens qui ont intérêt à ce que la population du monde oublie qu’il n’y a plus qu’un monde et qu’il faut qu’on trouve le moyen d’y vivre tous ensemble, ce que nous faisons déjà, du reste. Charlie Hebdo, entre autres, ne s’inscrit pas dans ce genre de choses, du moins pas (con)sciemment : ils appartiennent à la tradition anticléricale anarchiste. Mais ils ne voient pas qu’ils peuvent devenir un outil, non pas pour exciter les musulmans en France, mais pour exciter des gens qui vivent à 5000 kilomètres et qui ne verront pas les dessins de Charb mais qui se les feront décrire comme blasphématoires, insultants, humiliants,…

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      1. masrwatouness

        @Jean-No: oui le sentiment d’humiliation est un poison, oui, il est utilisé ici et là pour des raisons démagogiques que vous résumez très bien. Il n’empêche que la solution au problème, de part et d’autre, elle est « simple »: quand l’Occident cessera d’entretenir des relations de dominance d’ordre néo-colonial avec ce monde « arabo-musulman » (avec le reste du monde aussi d’ailleurs), le sentiment d’humiliation et donc les réactions épidermiques au blasphème seront nettement atténuées. Car bien que ce sentiment d’humiliation est détourné par les démagogues de façon opportuniste de part et d’autre, il n’empêche que ce sentiment est tout à fait légitime.

        Pour en revenir à mon analogie avec le pauvre prenant mal la blague du riche, en effet il ne suffirait pas d’expliquer au riche que peut-être il devrait faire attention avec ses blagues et au pauvre de moins prendre à coeur une simple blague, il faudrait en plus sérieusement penser à faire en sorte de combler les écarts et injustices qui font du riche un riche au dépens du pauvre.

        Autre analogie: imaginons un homme qui fait une blague ou une caricature grassement sexiste à une femme qui le prend mal: il ne suffirait pas d’expliquer à la femme « oh mais c’est qu’une blague » et à la femme « oh mais tu n’as pas d’humour », il faut sérieusement travailler à démanteler les mécanismes sociaux qui font les inégalités hommes/femmes.

        Tout ça pour en revenir à Charlie Hebdo et autres: certes le blasphème fait partie de la tradition anticléricale du journal, mais il ne l’exprime pas uniquement sur le terrain de la satyre religieuse, les dessins contiennent aussi des clichés ethniques avilissants (tels que celui de l' »arabe libidineux » et bien d’autres) entrés dans la « culture populaire » via les thèses racistes du temps des colonies. Donc reconnaître la dimension raciste de certains dessins présentés comme uniquement blasphématoires serait un bon début. Mais malgré cela, je pense sérieusement qu’il ne suffit pas d’arriver à un point où Charlie Hebdo se « rende compte » du tort qu’il fait à plus de 5000km de là, ce qu’il faudrait ce serait travailler sur les causes du rapport tendu entre « ici » (la France) et les gens qui vivent à plus de 5000km.

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          @masrwatouness : la domination néo-coloniale est-elle vraiment toujours le problème, depuis le choc pétrolier et la conscience généralisée d’une fin du pétrole qui rend si riches une poignée de nations ? Le sentiment d’infériorité et d’humiliation est entretenu de manière artificielle je crois. On m’a raconté le débat autour de la construction d’une mosquée en région parisienne : quand la mairie a donné un terrain et des autorisations, l’association qui réclamait s’est aperçue qu’elle n’aurait pas de quoi financer l’édifice, alors elle s’est lancée dans plus de demandes, exigeant un terrain quatre fois plus grand pour créer une mosquée immense et totalement inadaptée au besoin local. La mairie a refusé, alors les croyants du coin sont venus manifester devant la mairie, prier sur la place de l’hôtel de ville, etc. : ceux qui manifestent sont sincères, mais ils sont les marionnettes de ceux qui organisent la protestation et pour qui l’important n’est pas d’avoir gain de cause (ça ne sera jamais assez) mais de se plaindre. Je pense que ce genre de mécanique est répandue parmi ceux qui utilisent la foi des gens pour asseoir leur pouvoir.
          Mais au delà, peut-être existe-t-il un sentiment (et là je pense spécifiquement au Maghreb ex-colonisé, et tout particulièrement à l’Algérie) d’une dette impossible à effacer de la part de la France. Si c’est le cas, légitime ou pas, il faudra bien passer à autre chose un jour.

          Sur Charlie Hebdo spécifiquement, le fait qu’on leur demande de changer de ton concernant telle ou telle religion ne peut pas les amener à se montrer gentils, ils se trahiraient et je comprends bien leur point de vue même si je pense qu’ils ont tort : l’humour a tous les droits selon moi, mais à condition de rester drôle (ce qu’ils savent encore faire) et, surtout, d’être compris de ceux à qui on s’adresse.
          Mais ils ont reçu pas mal de menaces de mort crédibles, et c’est un fait qui ne peut pas rendre conciliant : légitime défense. Mais bon, la légitime défense ne doit pas empêcher de réfléchir aux dégâts collatéraux.

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  8. El Gato

    Je n’avais pas lu le texte de Mona Chollet. Le titre aurait du être « Oui, mais quand même le féminisme c’est mal. »
    Et en ce qui concerne la lutte contre le sexisme et l’homophobie, si je dois lutter contre ces deux maux, mais que je n’ai pas le droit de citer ce que les religions nous disent sur les femmes et sur l’homosexualité, j’en fais des espèces de maladies naturelles, génétiques, qui ne s’inscrivent pas dans des idéologies très anciennes, encore très présentes même chez des non croyants, réactivées en permanence, avec plus ou moins de succès par les autorités religieuses chez les croyants.

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  9. El Desdichado

    Tout d’abord, félicitations pour ce billet de blog.
    J’ai trouvé pour ma part le billet de Mona Chollet (dont j’apprécie souvent la plume) rempli d’amalgames et d’artifices réthoriques, consistant notamment à caricaturer certaines remarques, puis à critiquer l’aspect caricatural de celles-ci !
    Ceci étant, pour en revenir à la religion, j’y suis assez indifférent lorsqu’elle est respectueuse, même si moi-même après avoir été pratiquant je m’en suis éloigné. Par contre, je ne supporte plus ces gens qui ne supporte pas la moindre critique de la religion ni la moindre remise en cause de prétendus dogmes, pour la simple raison que je ne les crois pas sincères : qui croit vraiment que 20 ans après la mort de Muhammad on ait pu retranscrire sans erreur le Coran, ou que les versets « apparaissaient » à Muhammad (via l’Ange Gabriel ?). Qui croit vraiment que le Monde a été créé en 7 jours ? Aux 7 plaies d’Egypte ou à l’arche de Noé ? Qui croit vraiment que l’hostie devient vraiment le corps de Dieu, ou que les Saints ont tous faits de véritables miracles après leurs mort ? Pour ma part, je n’ai jamais rencontré personne qui m’affirme croire en la réalité de ces dogmes, pourtant clés de voûte de la Croyance dans les principales religions monothéistes. Oh, il doit bien y avoir des gens convaincus, mais j’aurais du mal à les prendre au sérieux s’ils venaient m’affirmer cela.
    Alors puisque les croyants eux-même ne croient pas (pour la très grande majorité) à tout ce qui constitue leur propre religion, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas remettre en cause le reste, l’interroger, le questionner, le critiquer.
    De plus, les « croyants » autoproclamés sont surtout cramponnés aux avis « politiques » des religions (interdits sociaux plus que moraux), ce qui montre bien que l’on ne peut faire abstraction de la dimension sociale et politique de ces religions, ni dans leur acceptation, ni dans leur critique.

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