Quand j’entend le mot Culture je sors mon tract PS

La ville où j’habite (Cormeilles-en-Parisis, dans le Val-d’Oise), a toujours été assez à droite. C’est une ville où ont longtemps cohabité une bourgeoisie franchement aisée et des couches populaires, mais où ces deux groupes disparaissent peu à peu au profit d’une seule classe moyenne. J’y vis depuis ma naissance et j’ai connu l’époque où des vaches remontaient la grand’rue pour aller pâturer. Aujourd’hui, les anciens champs se couvrent de pavillons ou de petits immeubles, la population a triplé, bientôt quadruplé, et les vaches ont été remplacées par des véhicules 4×4 équipés de pare-buffles.

Avec une régularité de coucou, le Parti Socialiste de ma ville se souvient de sa propre existence un an jour pour jour avant les élections municipales. Voici le tract que j’ai trouvé dans ma boite hier, et qui est daté de mars 2013 :

tract_ps_p

J’ignore qui le PS (qui fait généralement liste commune avec le PC et les Verts) compte présenter dans ma ville cette fois-ci. La dernière fois, c’était un militant local de longue date qui ne voulait, visiblement, surtout pas l’emporter. La fois précédente, ce parti proposait un apparatchik carriériste parachuté, vraisemblablement en vue d’un « destin » plus ambitieux.
Cette fois, pour l’instant, pas de tête d’affiche, juste un tract dont le message est clair : le budget de la commune est moins bon que ce que dit le maire, car si la ville est plutôt peu endettée, les impôts ont augmenté1 et la ville investit trop d’argent dans la culture. Le même tract s’indigne d’un projet d’école des arts (un lieu qui accueillerait les écoles de musique et de danse de la ville, ce que le tract ne précise pas) et, en même temps, rappelle que l’école de musique de la ville a des locaux exigus. Il se plaint également d’un projet de réhabilitation d’une vieille bâtisse à laquelle les citoyens sont attachés, qui accueillera, après les travaux, un lieu d’exposition et un pub. Ce pub sera géré de manière privée mais il répond au cruel déficit de la ville en matière de lieux de convivialité et l’idée n’est pas déplaisante. Les travaux sont d’ailleurs bien avancés (un peu tard pour annuler), et le tract ne dit pas ce que le PS envisagerait d’en faire d’autre.
C’est d’ailleurs tout le problème de ce tract qui cherche à critiquer un bilan mais ne propose strictement rien, critique le « coût de fonctionnement » des nouveaux équipements (en se gardant bien de dire qu’il s’agit d’emplois), et se plaint à la fois d’un manque de structures et des frais qui sont engagés dans la construction des structures qui font justement défaut.

Visuels gnan-gnan et abstraits censés évoquer la ville, que le PS utilise apparemment un peu partout…

Voir le PS utiliser une mise en page aux couleurs d’école maternelle pour se plaindre, à la manière du Front National, des impôts et du coût de la culture, voilà qui semble assez consternant, surtout venant d’un parti qui s’est toujours fait passer pour le champion de la culture. Longtemps endormie, provinciale, la ville est à présent équipée d’un bon théâtre, s’occupe des jeunes et organise toutes sortes d’événements. On peut critiquer les tarifs d’inscription aux activités culturelles, qui sont souvent élevés, on peut critiquer le fait que la ville soit structurellement coupée en deux2, ou encore l’achat de mobilier urbain franchement laid3. Mais critiquer l’investissement dans la culture sans faire aucune proposition4 ?
Est-ce que le PS a décidé d’attaquer sur ce genre d’air de manière nationale ?
Ça m’intéresse que les lecteurs de ce billet le confirment ou le contredisent.

Pour moi, l’élection municipale a une importance majeure, car ce n’est pas une élection de grands principes abstraits, c’est une élection à échelle plutôt humaine, qui porte sur des questions concrètes. Dans les villes de taille moyenne, comme la mienne, le PS n’a jamais été très bon, à ma connaissance. Ses élus semblent souvent se rêver en députés ou en sénateurs, ils ne comprennent pas bien ce qu’est une commune et ils ne comprennent pas pourquoi ils perdent les élections ni pourquoi c’est amplement mérité.

  1. L’augmentation des impôts me semble strictement proportionnée au désengagement de l’État dans les collectivités locales, du moins si je me fie à ce qu’en dit la conseillère générale locale, membre du parti socialiste (et qui, par ailleurs, me fait plutôt bonne impression). []
  2. Tous les nouveaux équipements partent dans le Sud de la ville, autrefois uniquement occupé par des champs : il va falloir accompagner ça d’un effort sur les transports en commun. []
  3. La question du mobilier urbain est un problème national. Je ne suis jamais allé visiter de salons dédiés à l’équipement des villes mais on m’a raconté qu’il valait mieux ne pas avoir mangé quelque chose de trop lourd avant, tant la laideur et l’ignominie (mobiliers anti-jeunes, anti-clochards, anti-humains,…) sont la norme. []
  4. On sent le passage délétère de la rhétorique Sarkozyste derrière ce genre de discours : faire feu de tout bois, sans cohérence, sans logique, en considérant que l’électeur est de toute manière trop idiot pour comprendre qu’on ne peut pas râler sur une chose et sur son contraire. C’est peut-être une méthode efficace pour gagner des élections, mais ça a déjà tué ce que l’UMP avait de digne, est-ce qu’il faut maintenant faire subir le même sort au PS ? []

9 réflexions sur « Quand j’entend le mot Culture je sors mon tract PS »

  1. Ardalia

    Je ne crois pas du tout que cette façon de cracher sur tout sans cohérence date de Sarkozy, il n’a rien inventé (je ne lui reconnais pas cet « honneur »), toutes ses méthodes, y compris les plus stupides en apparences ont déjà éprouvées (cf Maurice Joly et son Dialogue aux enfers, par ex.). Bien sûr, cela n’enlève rien au coté déplorable de ce genre de méthodes.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Ardalia : On voit ça aussi dans le génial Schtroumpfissime, de Peyo, mais avec Sarkozy c’est devenu une industrie sans la moindre retenue, et surtout, incroyablement efficace. J’ai eu des conversations surréalistes avec des gens qui se laissaient totalement convaincre par la stratégie Saint-Exupéry (« le mouton que tu veux est dans la boite »), en ne voyant pas qu’il est impossible d’avoir à la fois une chose et sont opposé inconciliable : il a flatté toutes les contradictions de chacun jusqu’à l’absurde. Alors ok, ce n’est pas son invention, mais en termes d’échelle, depuis que je m’intéresse à la politique en tout cas, je n’avais rien vu d’aussi grossier.

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  2. Gallorum

    De tout ce que tu dénonces, je crois que le pire est cette chasse crétine au « coût de fonctionnement » qu’on voit de plus en plus souvent, avec son corrolaire : l’investissement c’est positif, le fonctionnement c’est négatif.
    Outre que comme tu le dis, le fonctionnement, c’est de l’emploi, on en arrive dans les politiques publiques à définir des règles absurdes.

    Dernier exemple professionnel en date. Je travaille dans une société développant des logiciels libres, ou, le plus souvent, adaptant des logiciels libres existant, pour le secteur public.
    Le développement à façon, c’est du « fonctionnement », mais l’achat d’un logiciel tout fait c’est de « l’investissement ». Pour faire accepter une proposition récente, il a fallu déguiser notre offre en cachant le fait qu’on faisait du développement sur mesure.
    Je précise : notre interlocuteur technique était parfaitement au courant ; c’est lui qui nous a demandé de modifier l’offre pour la faire accepter par son service comptable.

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  3. Goulwen

    Ce poste me fait penser à l’actualité de ma ville. Depuis la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, j’ai assisté à 2 réunions, l’une organisée en décembre par une association théoriquement apolitique qui souhaite réfléchir sur le devenir de la commune, et l’autre, montée fin février par l’équipe municipale UMP pour présenter les orientations choisies sur le sujet.

    J’ai été frappé lors de ces 2 réunions (pourtant organisées dans des contextes assez différents, mais dans les 2 cas, avec l’idée d’être apolitiques et concrètes) par plusieurs éléments :
    – le très faible nombre de gens qui se déplacent et corollaire de cela, le fait qu’on retrouve toujours les mêmes personnes. Sur 22000 habitants, il doit y en avoir même pas 100 qu’on retrouve tout le temps ;
    – le discours des militants socialistes totalement à côté de la plaque.

    A chaque fois, ils se sont faits remarquer par des emportées quasi philosophiques, regrettant le bon vieux temps.

    Lors de la réunion associative, les 2-3 militants socialistes ont passé leur temps à casser l’intervenant invité, une ancienne directrice d’école venue proposée une méthode pour faire des propositions concrètes.

    Je pense notamment à la réunion organisée par le maire. Le propos de l’équipe municipale était de dire que :
    – ce n’était pas une question d’argent !
    – les délais étaient extrêmement courts pour organiser la rentrée 2013, notamment du point de vue recrutement, ce qui l’amenait à préférer l’option 2014;
    – la loi impose que l’ensemble des communes d’une même zone adopte la réforme en même temps.

    En face le militant socialiste soutenait que c’était une bonne chose que Lisieux se lance dès 2013 pour se planter, afin de faire profiter son expérience aux petites communes rurales avoisinantes. Comme si l’expérience d’une ville moyenne pouvait s’appliquer à celle d’un village avec 100 fois moins d’habitants !

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  4. DM

    Il n’y a là rien de neuf. On entend toujours les gens d’une part râler sur les impôts, mais d’autre part réclamer des services publics dans des villages dépeuplés. On veut diminuer les dépenses de l’Éducation nationale (premier employeur de fonctionnaires) mais on hurle quand on ferme une classe. On veut diminuer les dépenses de l’État (donc potentiellement le budget de la Défense), mais on prétend faire jouer un rôle international à la France. Etc.

    Le joker, c’est la suppression des « fonctionnaires inutiles » ou des « dépenses inutiles », sans bien entendu expliciter de quoi il s’agit, ou en ne mentionnant que des cas restreints et qui ne suffiront clairement pas à produire l’effet attendu.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      Le côté irrationnel n’est pas rare, mais les gens ont l’impression de pouvoir transiger sur les cas particuliers : on veut moins d’argent pour l’école SAUF chez soi. Mais là c’est sur le même objet qu’il y a ces demandes contradictoires. Je ne sais pas si c’est neuf, mais je trouve ça assez lamentable.

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  5. Stephane Pejic

    Il faut respecter les pratiques culturelles des aspirants élus municipaux de Cormeilles, pour paraphraser un internaute, auteur du futur dans ta tronche.
    En fait cela fait plus de 20 ans que la quintessence de la politique des centristes et sociaux démocrates Cormeillais est de gérer les bacs a fleurs, surtout celui géant devant la mairie. En guise de culture ils parsèment les ronds points de plantation d’oeillets.

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    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Stéphane : ça s’est pas mal arrangé au cours du dernier mandat, la ville devient un peu plus « pro », quelque part.

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  6. maxence

    En effet, la stratégie du ps de Cormeilles me parait assez illisible d’autant plus qu’on sait que du point de vue de la culture, la gauche n’a pas grand chose à faire/promettre (à tors ou à raison!) pour paraître crédible dans une élection municipale. Après, c’est vrai que le ps a un problème avec la laideur de ses tracts notamment parce qu’ils veulent tout faire faire par des « pro » au niveau des fédérations au lieu de les faire réaliser par leurs militants locaux qui produisent parfois une sorte d’art brut du militantisme de bonne qualité…

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